Revue de Hongrie 19. (1917)

15 Janvier - I. La Lutte pour la Vérité, par M. Albert de Berzeviczy, ancien Ministre, Député, Membre de la Cour d'arbitrage international de La Haye

I .A LUTTE POUR LA VÉRITÉ 17 national avec de grands airs de vertu, et de jouer au «Mentor de l’Europe». Si nous considérons la puissance actuelle de l’Angleterre ; son avidité jamais assouvie ; les procédés auxquels elle a eu recours pour mettre au service de l’encerclement de l’Alle­magne les aspirations nationalistes de tous les pays ; la façon dont elle s’est servie de cette guerre pour affaiblir la France et la Russie, pour mettre Г Italie dans sa dépendance, pour s’établir à Calais, pour accaparer le domaine colonial de l'Alle­magne ; comment elle se sert de sa force pour étrangler l’Europe centrale, pour mettre la main sur le commerce maritime, pour violenter les pays neutres, il est impossible de n’avoir pas la révélation de la vérité totale et définitive sur le présent conflit, de ne pas saisir la cause fondamentale de cette guerre interminable. Il est impossible de ne pas comprendre que ce n’est pas pour conjurer le péril imaginaire d’une hégémonie allemande que l’on se bat et que l’Europe perd son sang à flots et marche à la ruine, mais bien pour établir sans conteste et à jamais la suprématie universelle de l’Angleterre. Car ce serait là fatalement la conséquence de la victoire de la Grande-Bretagne et de ses alliés ; pour détourner cette fatalité et pour sauver la liberté des peuples, il faut donc que nous vainquions. Je crois que nous sommes tous au clair là-dessus. Nos adversaires, évidemment, ne se rendront jamais à notre démons­tration ; mais on devrait attendre des peuples neutres, qui tous souffrent de cette guerre, qu’ils ouvrent les yeux à cette vérité. Malheureusement, ce n’est pas le cas et il faut con­venir qu’entre toutes les tristesses de l’heure actuelle, la cons­tation la plus amère que l’on ait à faire, c’est celle de cet aveuglement des pays prétendus neutres, qui sont toujours prêts à ajouter créance aux faussetés de nos ennemis, tandis que les vérités les plus tangibles qui parlent en notre faveur les trouvent pleins de défiance et d’incrédulité. Nous n’avons pas seulement à lutter, dans des conditions inégales, contre la force matérielle des armes ; nous avons encore contre nous la majorité égarée de l’opinion publique universelle. C’est là le côté le plus tragique de notre situation. Mais c’est aussi là ce qui nous grandit et nous puisons dans cette pensée un redoublement de force héroïque, car nous nous disons que nous BEVOR DE HONGRIE. ANNÉE X, T. XIX, 1917. 2

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