Le Moment, Mai 1940 (Année 8, no. 1546-1569)
1940-05-02 / no. 1546
ISUCJlREST 8-roe ANNÉfîTo. 1546 BUCAREST 2, rua ARIST. DEMETRIADE Rédaction, Administration TéL 5. j 9.91 Imprimerie et Ateliers de Photogravure „Le Moment" 2, rue Arist. Demetriade. Tél, 5.19.91; alfred'heftep, DIRECTEUR: Pn^mitaiis 3 Le Moment S. A. 8 PAGES 3-111 Ta« postale aeqnitée~et> esoè egg-contortnément l’Ordre" No. 24.457/939 de la Direction Générale P. T. T. [ Inscrit SÂ'fjtBgistre- de publications de ! Trib. d'Flfov, son» le No. 243/1938 J. LA FORCE NUMÉRIQUE TEUR DÉCISIF? Londres fin avril 1940 Les différences entre cette guerre et celle de 1914—1918 sont nombreuses et on peut ' les constater à bien des points de vue. Mais il y en a une dont la portée doit être examinée attentivement. Elle a trait, comme nous le verrons plus bas, aux forces humaines. Parce que dans cette guerre la pénurie de forces humaines ne paraît pas devoir contribuer au résultat final. Dans le dernière guerre, il est vrai la pénurie de soldats fut un des facteurs les plus décisifs. Lors de la dernière guerre, l’Allemagne s’était engagée sur deux fronts. Les Alliés, occupés dans nombre de campagnes secondaires à côté du front principal ne furent pas à même de pouvoir remédier à la dépense terrifiante en vies humaines. Ç'est pourquoi les armées alliés ou allemandes se sont ressenties pour ce qui est du nombre. Les conditions physiques des nouvelles recrues furent de moins en moins satisfaisantes. C’est alors que l'intervention américaine devint un facteur décisif. Dans la guerre actuelle les rc3 sources en hommes des deux parties engagés dans le conflit sont grandes. Le théâtre de la guerre, est, pour le moment du moins, strictement limité. Les pertes initiales sont petites. Et, il y a encore peu de perspectives que la force numérique subisse un processus* * * d’épuisement. C'est plutôt l’épuisement des ressources matérielles et des forces de volonté qui s’avérera décisifs. Quelle est le sens de cette affirmation? Cela veut dire que la guerre sera gagnée par la partie qui pourra travailler et produire le plus ainsi que par celle qui luttera le mieux. La quantité de production et la qualité de la volonté et de la raison seront décisives. Cependant on peut se poser une question: de quelle manière l’épuieement de forces humaines pourrait-il devenir un facteur décisif, s'il venait à y avoir de nouveaux théâtres de guerre, outre celui de Norvège qui commence à prendre toujours plus d’ampleur que Ton ne prévoyait au premier moment? Avant de répondre à cette question, il faut envisager la position actuelle des belligérants par rapport au nombre de soldats dont ils disposent. Ce n’est pas chose facile de faire une comparaison exacte entre les forces numériques des deux armées qui s’affrontent. Car on ne peut pas encore préciser combien d'hommes mobilisables des deux Armées seront incorporés Hans les Armées de l'Air, dans la Marine, dans l’Armée de terre, dans les services de sécurité intérieure, ou bien combien d’hom. mes seront nécessaires à la productions d’aliments, de munitions ou d'autres éléments essentiels dans la conduite de la guerre. La force numérique des Armées doit être affectée par conséquent par le nombre : d’hommes qui ont reçu l’instruction militaire ainsi que par l'armement et l’équipement que chaque pays possède. La France, par exemple, n'ayant jamais renoncé au service militaire obligatoire, peut entièrement utiliser ses forces mobilisables. L’armement pourrait limiter en quelque sorte le nombre d’hommes que la France pourrait en voyer au front, mais ses réserves d'hommes entraînés sont une grande source de force. C'est grâce à quoi ce pays s'est vu en mesure de rappeler du front pour le destiner au travail industriel plus d’un million d’hommes entraînés. L'Allemagne, d'autre part a ap. pelé sous les armes cinq classes seulement outre les 300.000 hom mes qui constituaient son armée en 1934. Elle a pris sans doute des mesures pour entraîner beaucoup d'hommes qui jusqu’ici ont pu échapper à la conscription. Cependant le nombre d’hommes qui .$£& in^lrujts, miUtíúreniont est en fonction du nombre d’instrueteûfs. Enfin on ne peut fixer pour quel nombre d’hommes elle aura pu accumuler l’armement nécessaire. En tout cas il est de beaucoup inférieur au nombre de 300 divisions qu’elle espérait pouvoir mettre sur pied lorsqu’elle avait commencé à donner une nouvelle envergure à son armée. Au commencement de la guerre, elle n’avait pas plus de 120 divisions, hors les troupes de garnison, c’est à dire environ 2 millions d'hommes entraînés. L’expansion de l’armée britannique, qui a commencé à prendre de l’ampleur beaucoup plus tard, est sans doute affectée par les mêmes facteurs, le manque d'instructeurs et d’équipement. L’expansion de l’Armée de l’Air et les demandes d’occupations spéciales à l’arrière du front, influencent aussi l’importance numérique des classes. Cependant le nombre d’hommes qui se trouvent actuellement sous les drapeaux dans l'armée de terre s'accroît d’une manière satisfaisante d’après un système approprié d'instruction. Les contingents apportés par la contribution des Dominions sont dune importance particulière. Mais la grande contribution des Dominions et qui dépasse de beaucoup ses , apports en hommes est la production de munitions, d’aliments et de matières premières. Il y a deux possibilités qui pourront ouvrir de nouveaux théâtres d’hostilités susceptibles d’affecter la valeur de la force numérique: a) l'intervention de la Russie ou d’une autre nation actuellement non-belligérante aux côtés de l’Allemagne. Ce qui imposerait un plus grand effort numérique aux forces des Alliés, b) d’autres agressions de 1 Allemagne contre les neutres ce qui obligerait les Alliés à accorder leur assistance. Dans ce dernier cas des efforts seront demandés aux deux parties, mais les ressources en hommes; des pays neutres attaqués seront un poids laiicé dans la balance des Alliés., Le major Général Sir CHARLES GYVYNN LA FORCE NUMERIQUE DES ARMEES RELLIGERANTES vue de Londres 2. LE RÔLE DE LA FORCE DE PRODUCTION ET DE LA FORCE DE VOLONTÉ. 3. L'EXTENSION DU THÉÂTRE DES HOSTILITÉS. IDe notre rédaction de Londres) SERA-T-ELLE UN FAC- LC JAPON RESPECTE LE STATUT DU PACIFIQUE LE GOUVERNEMENT DE TO KiO N'ENVISAGE AUCUNE INTERVENTION DANS LA ZONE NÉERLANDAISE EN EXTRÊME ORIENT Paris avril 1940 Les menaces dirigées contre la Hollande ont eu des répercussions en Extrême-Orient. Le Japon qui avait déjà dû se poser la question — s'est demandé, au cas où les Pays- Bas seraient envahis, ce qu'il adviendrait des Indes néerlandaises. C'est, comme on le sait, une terre bénie, où l'on trouve l'étain, le pétrole, le caoutchouc — matières qui manquent mikadonal. terriblement à l'empire La guerre européenne occupant les grandes puissances, n'y aurait-il pas une bonne occasion pour lui d'étendre son action sur cette zone de prospérité? Des déclarations incomplètes ou énigmatiques pouvaient nous faire croire que les dirigeants de Tokio nourrissaient quelque dessein de ce genre. Le général Abe n'avait-il pas dit, tout dernièrement, que l'ordre nouveau en Extrême-Orient devait être établi — quelle que soit l'opposition de certaines puissances — et que celles-ci n'auraient, un beau jour, qu'à tenir compte du fait accompli? D'autre part, M. Arita, au moment où les plus sinistres rumeurs couraient au sujet de la Hollande, avait ainsi commenté la situation : ,,Si des hostilités venaient à s'étendre à ce pays, il s'ensuivrait des répercussions dans l'Océan Indien. Ces répercussions nuiraient non seulement SM développement des ^ relations économiques et au maintien de la prospérité, mai* créeraient — du point de vue de la paix et de |a stabilité dans l'Asie orientale — une situation indésirable. „Pour ces motifs, le Japon ne peut que se sentir profodément concerné par tout développement qui accompagnerait l'aggravation de la guerre en Europe et qui pourrait affecter le „statu quo" dans les Indes néerlandaises." tde notre rédaction de Párisi <1 .À*4 Quelles que soient les ambitions du Japon et le rôle qu'il prétend jouer à l'avenir, les dirigeants de ce pays sont bien trop avisés pour entrer en conflit avec les Etats-Unis. La liquidation de la guerre de Chine dépend étroitement du concours de l'économie américaine et de la non-opposition de la Grande - Bretagne. La question des Indes néerlandaises est donc écartée pour le moment. . Fallait-il découvrir dans ces propos autre chose que complications grâce l'inquiétude de auxquelles les puissances occidentales et en particulier les Etats-Unis auraient pris une position de nature à freiner les intérêts ou les ambitions du Japon? * * * S Les commentaires du porte-parole nippon préparaient-ils une intervention et constituaient-ils un avertissement propre à faciliter ou à motiver par avance cette intervention? Cette deuxième hypothèse était — en tout état de cause — acceptée par bien des critiques étrangers et ^levait immédiatement de sérieuses objections. Elle faisait même l'objet, de la part du gouvernement des Etats-Unis, d'une déclaration formelle. Le 18 avril, en effet, M. Cordell Hull rappelait en termes catégoriques que deux documents diplomatiques fixaient le statut du Pacifique: La note du 30 novembre 1908, par laquelle les Etats-Unis et le Japon s'engagent à maintenir le „statu quo" et le traité du 13 décembre 1921, assurant le respect des droits de tous les pays intéressés au Pacifique (y compris la Hollande). Le ministre des affaires étrangères de Washington traduisait dans sa communication la volonté expresse des Etats-Unis de ne pas permettre l'occupation des Indes néerlandaises, d'où le Japon menacerait les Philippines et les îles Hawaï. De son côté, d'ailleurs, la Hollande protestait en affirmant qu'elle n'avait besoin d’aucune „protection" et qu'elle assurerait l'ordre dans son domaine asiatique... Avait-on été au delà de la pensée des dirigeants nippons? Toujours est-il que ceux-ci expliquaient alors qu'il n'avait jamais été dans leur esprit de rechercher une mainmise sur les Indes néerlandaises et qu'ils désiraient seulement que fût maintenu l'équilibre des intérêts dans le Pacifique. Des informations parvenant de Washington montraient que M. Hi* ronouchi, ambassadeur du Japon, avait eu une longue et cordiale conversation avec M. Cordell Hull sur l'ensemble de la situation. On apprenait que les deux hommes d'Etat s'étaient trouvés d'accord puisque le gouvernement de Tokio n'envisageait aucune intervention ou protection dans la zone néerlandaise en Extrême-Orient. Nous pensons que, quelles que soient les ambitions japonaises et le rôle que prétend jouer dans l'a: vénîr l'empire nhikadonal, les dirigeants de ce pays sont pour le moment bien trop avisés pour entrer en conflit avec la grande république américaine. Le règlement de î'àffaire de Chine, dont nous avons souligné la complicité, suffit largement à leurs efforts. Ils dépendent Des luttes ont lieu actuellement pour la possession des communications ferroviaires entre Oslo et Trondhjem. smm 2 mai îfrav LE PRÉSIDENT ROOSEVELT à qui le Sénat des Etats Unis a accordé de nouveaux pouvoirs qui l'autorisent à réglementer et à interdire en temps de guerre les transactions commerciales et des devises. LES HOMMES ET LEURS OEUVRES Aldous Hux'ey Londres, avril 1940 Parmi nos écrivains contemporains, Aldous Huxley est, hors d'Angleterre, l’un des plus connus; ses livres ayant été traduits dans beaucoup de langues, son nom et ses oeuvres doivent par conséquent être connus par quelques-uns d'entre vous car il est un des auteurs anglais Vivants dont on parle le plus. Son nom est certainement de ceux qui reviennent toujours chaque fois qu'il s’agit de littérature européenne contemporaine. H naquit en 1894 petit fils du fammeux biologiste T. H. Huxley. Ses études, il les fit dans l’une des écoles anglaises les plus renommées, à Eton; puis il fréquenta la Balliol Collège d’Oxford. H était encore enfant quand un accident de laboratoire lui fit perdre .l'un de ses yeux; cela parait avoir donné une extraordinaire acuité à son autre oeil, car aucun: de ses amis n'a pu manquer de remarquer qu‘ Aldous voit, beaucoup mieux que la plupart des gens qui ont une vue normale, ce qui se passe autour de lui. Quand n>oi et Aldous Huxley voyagions à travers'iTcaiie, années de cela, j’eus plusieurs fois l'occasion de remarquer son pouvoir d’observer; pendant que nous roulions en auto, pas un monument de quelqu’ intérêt architectural ou historique, n’échappait à son oeil; la rapidité, la sûreté avec laquelle il découvrait de loin tout trait inhabituel, étaient étonnantes. Dans les églises et dans les musées il semblait avoir un oeil telescopique: il désignait les choses intéressantes cachées, lointaines ou placées moins en vue, derrière les oeuvres exposées les plus fameuses ou les plus populaires. Il voyait ce qui était évident aussi bien qu'un autre, mais sa força était de voir ce qui n’était pas évident; cela faisait de lui un esprit curieux d’une espèce exceptionnelle. C’est comme tel qu’il peut être le plus justement décrit. Il a été un grand voyageur comme on peut le voir par nombre de ses livres. Quelques-uns, et non des moindres, sont des récits de voyages dans le Pacifique, au Mexique et dans d’autres parties du monde. Mais sa curiosité ne s’est pas bornée aux objets d'art ou aux limites de l'histoire; l’intérêt qu’il prend aux gens et son don d’observer leurs habitudes, leur conduite, leurs idiosyncrasies, sont également grands. Oeci est probablement son plus grand don comme romancier. Il n’est pas le romancier des passions du coeur comme le furent par exemple nos grands romanciers anglais Thomas Hardy, Emily Brontë et George Eliot C'est un observateur des moeurs comme notre spirituelle et charmante Jane Austen. Mais il se rapproche encore davantage d’Un romancier dont vous n’avez certainement pas entendu parler, parce qu’il est peu connu hors d’Angleterre, un écrivain du XIXe siècle nommé Thomas Love Peacock. Le premier roman de Huxley „Croma Yellow” était modelé sur Peacock et l'action se passait exactement comme celle de Peacock, lequc lchoisissait toujours une maison da campagne anglaise. La maison et les gens décrits dans „Crome Yel low” sont bien connus par beau coup de personnes en Angleterre K. MATHEW,S (Suite page 6)