Le Moment, Aout 1937 (Année 5, no. 734-759)

1937-08-01 / no. 734

BUCAREST 4“ ANNEE - N* 734 BUCAREST 15, rue Brezoianu Rédaction, Administration Tél. 3.10.40 direction Téléphone: 4.25.34 Imprimerie et Ateliers de Photogra. vure „LE MOMENT” 2, rue Arist. Demetriade. Tél. 4.56.61 Directeur j ALFRED HEFTER fappróha tien 8 Pages 3 Lel Journal de Bucarest Quotidien illustré d'informations Politiques, Economiques et Sociales  Le manque de pain est un bien triste sym­bole. Il représente la disette; déséquilibre aussi l’alimentation et affecte profondément le moral. C’est Time des inquiétudes les plus graves pour l’avenir. Car le grenier de l’Espagne, la Castille, est surtout aux mains des nationalistes. Sur une cinquantaine de millions de quintaux des années de bonne ré­colte, les terres de l’Espagne gou­vernementale n’en produisent que de quinze à dix-huit millions. Aussi, Madrid, Barcelone, Valence ont­­elles manqué et manquent-elles de pain. Et demain, ce demain où l’état et l’économie de l’arrière décideront la victoire? C’est le moment de la ré­colte. Elle n’est guère opulente; elle ne pouvait pas l’être. Et en pensant à ce demain, l’on fait tous les efforts possibles pour ne pas laisser perdre un épi. Il ne s’agit pas non seulement de la population civile, mais l’armée ne peut pas manquer de pain. L’on dira peut­­être: „Mais il y a l’importation; les blés de la République Argentine, de la Roumanie, de la Russie“. Tout cela existait hier, et cependant le pain a manqué. En temps de guerre, l’on ne peut compter que sur soi­­même. Il faut aussi économiser le» devises, ce trésor de la guerre, et acheter le moins possible à ’’étran­ger, si ce n’est des armes. * * * „Pas un épi ne doit se perdre“. C’est le mot d’ordre des partis, de l’armée et du gouvernement. Mot d’ordre nécessaire, car si les épis sont peu pressés, les rangs de l’ar­mée des champs le sont encore moins. Comme dans toutes les gu­erres, c’est surtout l’agriculteur, l’ouvrier de la terre qui garnit les tranchées. Lorsque le fusil travaille, la faux et la faucille chôment. Il manque des bras pour la récolte du blé. i ; Pourtant, pas un épi ne doit se perdre. Les initiatives ont surgi un peu partout. Dans la région d’Ar­­ganda, par exemple, en pleine ligne de feu, l’on a formé des brigades d’habitants de tout métier et de sans métier; on les a militarisées et on les a envoyées aux champs. Cette mesure a été imitée en de nombreux endroits et elle a été même propo­sée comme mesure générale à la dernière conférence provinciale a­­graire du parti communiste. En Catalogne, la jeunesse socia­liste unifiée a formé les „brigades de ajut als camperols“. A Madrid, la compagne pénètre dans tous les centres. La société de vendeurs en général dit à ses membres: „Toi, camarade, que fais-tu pour gagner la guerre? Puisque tu chômes pen­dant plusieurs jours à la semaine, enrôle-toi dans les brigades des tra­vaux des champs“. Les communis­tes sons impératifs. Mundo Obrero répète: „La récolte est sacrée! Des brigades de choc à la campagne pour faire rapidement la récolte du blé ! Assurons le pain de nos soldats et celui de nos enfants!“ * * * Jusqu’aux soldats qui déposent leur fusil pour aider à la récolte du blé. „Pas un épi ne doit se perdre“. C’est le pain de demain. C’est aussi la résistance et peut-être la vic­toire. La 11-e division, la 38-e et la 32-e brigade, ainsi que la 14-e et la 82-e ont créé des groupes spéciaux de soldats qui, aux heures libres ou aux jours de repos, vont faire du stakanovisme aux champs. Le commissaire général aux ar­mées, M. Alvarez del Vayo, a trans­formé le mouvement en une initia­tive officielle: „Le commissaire général de la guerre s’adresse à tous les commissaires de guerre et aux unités de notre armée populaire. Sans aucune perte de temps, les commissaires devront se mettre en rapport avec les organisations du Front populaire des villages voisins et examiner la façon d’organiser ra­pidement la participation pratique de nos soldats à la récolte de la moisson... L’armée populaire, qui a déjà rendu tant de services à la cause d’Espagne, doit en rendre un de plus, en contribuant dans la me­sure de ses forces et de son temps libre, à la récolte de la moisson“. Il va sans dire que ce devoir ci­vil ne doit pas être rempli aux dé­pens du devoir militaire et que la tranchée a toujours le pas sur les champs. Le blé! Produit de première né­cessité aussi important que les ar­mes. Monteoro Rivas (Suite en page 6) Le problème du pain en Espagne Un cri de douleur : „Pas un épi ne doit se perdre !“ La Roumanie a décidé de permettre P exportation du blé P°ur' tous ' les pays, sauf VEspagne. La Tchécoslovaquie vient d interdire l exportation du ble. U Allemagne n’en permet plus la consommation qu’aux hommes. C’est qu’elle souffre du manque de blé. Mais tandis que l’Allemagne ne fait que souffrir, l’Espagne se meurt a cause du manque de pain. Voici, en effet, ce que nous communique notre correspondant particulier: Barcelone, juillet 1937 Karlovy-Vary, 28 juillet Les événements qui se déroulent à Belgrade prouvent que les luttes reli­gieuses, loin d’être finies, continuent a­­rec ampleur, comme au temps de la tou­te-puissance de l’église. * * * Le parlement yougoslave a voté le concordat avec le Vatican. Le cabinet de Belgrade ne pouvait plus ajourner le rote de cette loi, qui lui était d’ailleurs imposée, avec un en­semble d’autres obligations, par les traités. En réalité, la population de la Croa­tie et de la Slovénie, (pays qui ont été ré­cupérés par la Serbie), est plutôt catho­lique qu’orthodoxe. L’église dominante nationale peut compter tout au plus 60 pour cent du total de la population, le reste est en grande majorité catholique, car les musulmans et les israélites ne comptent que pour un cinquième. L’église orthodoxe est persuadée que sous le régime du concordat, l’influence du Vatican sera de plus en plus active et se développera à l’encontre des in­térêts du nationalisme serbe, lequel se confond avec le postulat du Saint Sy­node oecuménique. Il est tout de même étrange, que l’a­gitation de l’église orthodoxe yougoslave soit appuyée avec beaucoup de sympa­thie et d’intérêt par les différents orga­nes du Ill-ème Reich. Le nazisme lutte contre le catholicis­me sur tous les territoires et sur tous les fronts. Les organisations de la „Technische Union” et „Zbor” (filiales nazies à Belgrade et à Zagreb) ne doi­vent pas être étrangères aux manifesta­tions religieuses qui ont pris une am­pleur exceptionnelle en Yougoslavie. Les chefs du lll-ème Reich ne peu­vent pas pardonner au Vatican: a) de n’avoir pas encore reconnu le gouvernement Franco; b) d’avoir pris une attitude publique nettement hostile aux états totalitaires (voir le discours du cardinal Pacelli à Lisieux). En plus, le congrès oecuménique d’Ox­­ford, où se sont trouvés réunis les chefs spirituels de l’église protestante et quel­ques autres fractions réformistes, a pris une position toute aussi nette contre la conception de l’état totalitaire et contre la politique raciste. Le nazisme a donc tout l’intérêt de fomenter dans le monde entier les lut­tes religieuses entre les différentes égli­ses, afin de faire valoir la supériorité et l’utilité de l’état totalitaire. Ainsi s’explique aussi le caractère strictement politique du mouvement de l’église orthodoxe en Yougoslavie. Le gouvernement de M. Stoyadino­­vitch a été excommunié de l’église, ainsi que tous les députés qui ont roté le con­cordat. Le ministre de la Justice qui a osé franchir le seuil de la cathédrale pour rendre les derniers hommages au Pa­triarche mort, a été expulsé de force de l’église; quelques députés qui ont été re­connus dans la foule ont été lynchés. Seul, le prince Paul, a été admis au­près de la dépouille du Patriarche ac­compagné du ministre de la Guerre, du chef de la garnison de Belgrade et du Maréchal de la Cour, Les démonstrations de l’église ortho­doxe ont pris les caractéristiques d’un mouvement contre le cabinet actuel, et les hommages rendus par la foule et les organisations patriotiques à la mémoire du chef suprême du Saint Synode, se présentent comme une grande action de l’opposition contre le gouvernement Stoyadinovitch. Le Saint Synode a refusé les funé­railles nationales proposées par l’Etat, pour faire participer les masses populai­res à une agitation continuelle, dont les Billard jap L'accord germano-japonais sait le Komintern pour frapper L’accord signé en grand apparat le 25 novembre 1936, à Berlin, en­tre l’Allemagne et le Japon n’a sans doute pas causé de surprise au sens littéral du mot. On en pressentait la venue. De­puis deux ou trois ans les velléités de rapprochement devenaient de plus en plus manifestes: nombreux articles, élogieux ou sympathiques, publiés dans les journaux et les re­vues, gros ouvrages d’allure scienti­fique mais à tendance de propa­gande, visite de missions militaires allemandes au Japon en 1935, et aussitôt après séjour en Allemagne d’une mission militaire japonaise commandée par le général Mahu­­nata, voyages de plus en plus fré­quents — car ils avaient commencé dès 1925 — d’industriels allemands dans l’Empire du Levant. Bien que les entretiens menés, par­ticularité singulière, entre l’attaché militaire japonais à Berlin et M. de Ribbentrop eussent été poursuivis dans le plus grand silence, même è l’insu, dît-on, des ambassadeurs, les milieux informés n’ignoraient pas que l’accord avait été paraphé huit jours auparavant. Mais il est indiscutable que le nouvel instrument diplomatique a d’abord causé de l’étonnemenh Certaines raisons de l’entente ger­mano-nipponne n’échappaient pas : systèmes analogues de gouverne­ment autoritaire, hostilité contre l’actuelle Société des Nations dont on s’est pareillement retiré, arme­ments intensifs, fiévreux appétits d’expansion, même haine contre le communisme, ainsi que s’exprimait le document officiel, contre la Rus­sie soviétique, ainsi que le monde entier le comprenait. • « • Quelques points demeuraient é­­tranges, surtout en ce qui concer­nait l’Allemagne. Il n’y a pas si longtemps que la peur du péril jaune sévissait outre- Rhin et que retentissaient des pro­testations indignées contre la fu­neste concurrence des articles made în Japon. Pourquoi ce changement de front? Et puisqu'il est difficile de soute­nir que les Japonais soient des A- ryens, cette sorte d’alliance des purs Germains avec eux n'était-e!le pas une mésalliance? Pourquoi, d'autre part, ce geste auquel les amis italiens ne s'asso­ciaient pas ouvertement, et qui ne pouvait manquer de mécontenter la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ? Tentative d'intimidation? Mouve­ment de colère? Aveu indirect de l’échec des essais variés pour se gagner l'Angleterre? Si vraiment il faut un coup d'éclat pour réchauffer le zèle hitlérien des sujets allemands, pourquoi recourir justement à celui­là ? * * * On émettait aussi maintes hy­pothèses sur la signification réelle du pacte et sur ses buts possibles. Pour n'en retirer que quelques-unes, d'aucuns parlaient de l’existence de Berlin - Tokio onais du 25 novembre vi la Chine du Nord. « clauses militaires secrètes, indices clairs d'une volonté de guerre pro­chaine. La Russie devait, bien enten­du, être particulièrement visée. Mais où? En Europe ou en Asie? A quel moment et dans quelles conditions? D'autres pensaient à une menace en Extrême-Orient et dans l'Océan Pacifique contre l'Angleterre et l'Amérique. D'autres songeaient plus simplement à un partage de zones d'activité industrielle et commercia­le, en apercevant d'ailleurs dans cette manoeuvre un danger non im­médiat peut-être, mais sérieux. Maintenant, c'est clair. La guerre qui a soutènement é­­claté en Extrême Orient jette une vive lumière sur les intentions qui ont présidé à la conclusion du pro­tocole, signé le 25 novembre der­nier. Et cela doit nous faire réfléchir sur l'avenir menaçant de l'Europa. Nous avons publié hier un article dû à la plume experte de M. Ale­xandre Varenne, ancien gouverneur général de l'Indochine; l'autijr y arrivait à la conclusion que le Ja­pon fait le jeu de l'Allemagne. Il nous faut ajouter que le Japon le fait à bon escient, de concert avec l'Allemagne. N'oublions pas que c'est le Reich qui a équipé les usines japonaises de guerre. L’attaché militaire nip­pon à Berlin a élaboré un plan com­plet de collaboration militaire entre le Japon et le Reich. La „I. G. Far­ben Industrie" a présidé par ses in­génieurs au développement de l'in­dustrie chimique japonaise et à la construction de nouvelles usines dans la région d'Ubé, tandis que la mai­son Krupp a communiqué aux mé- Dr. I. F. (Suite en page 6) LE PRINCE KONOE Président du conseil japonais fins politiques ne peuvent pas être ca­chées. L’agitation se répand sur toute l’éten­due du pays. Les organisations nationa­listes ont été entraînées dans le mouve­ment. Les anciens combattants, aussi. Les nouvelles tendancieuses sont colpor­tées suivant l’art savant de ceux qui sa­vent organiser méthodiquement la provo­cation et la rébellion. On n’a pas manqué de recourir aux pires calomnies et infamies contre le ré­gime actuel. On a lancé la version que le Patriarche n’aurait pas succombé à la suite d’une mort naturelle, tout cela pour entretenir la discorde et pour exciter les passions. Des milliers de pétitions sont adressées au Prince Régent, pour lui réclamer la démission du cabinet. Qui pourrait avoir intérêt à exaspérer les foules à ce point? Si le gouvernement actuel pouvait en­core faire une enquête minutieuse sur ceux qui se trouvent derrière les teurs de troubles, il serait à même fau­de fournir au monde des documents nou­veaux sur l’origine des luttes religieuses de nos temps. Alfred Hefter IN VINO VERITAS LE BAMBOCHEUR (regardant abasourdi la plaque du câble souterrain). — Tiens!... Te voilà enter, rée?!... Eh bien!.« Ce n’est Das... trop... tôt!.., DIMANCHE 1 AOUT 1957 uililflflllliitiiillinnilliiiiuilllllllllmiiilllllllilliiiuiiliiil’lilioiiiliillllllixt r TM I EN PAGE 5; | j Entre MM. Bald- [ I win et Tataresco f C ==2, j il# I % j M. Vaida et le [ partage de la f j Palestine | Les feuilletons de M. Lovinesco Dans un article publié il y a uiiq vingtaine d’années et recueilli dans uni de ses volumes de Critiques, M. Lo* vinesco protestait résolument contre lc| publicité que certains auteurs faisais ent autour de leur nom et de leur* oeuvres. Les quelques traits incisifs dé* cochés à M. Emil Isac n’ont pas été 1* résultat d’une simple coïncidence; M, Lovinesco a eu l’occasion de revenir maintes fois contre ce procédé qui, exagéré, nuisait à la dignité_proies« sionnelle de l’écrivain. On se rappelle» par exemple sa protestation contre le* relations étroites, purement ideologic ques pourtant et nullement d’ordre pu« blicitaire, qui reliaient plusieurs revue* ce qui lui avait arraché même le moi? de „trust”, si toutefois nous nous rap­pelons bien. On a vu dans cette attitude, la ré­action d’une haute conscience profess sionnelle. M. Lovinesco apparaissait comme un „clerc”, dédaigneux de la, réclame, indifférent aux petits côtés du métier d’écrivain, attaché seule« ment au monde de la pensée et de 1a, création pure. Une pareille attitude a. dû impressionner forcément, par soit désintéressement et par sa significa« tien morale. Mais voilà, qu’il a fallu à en rabattre«. Dans une longue série d’articles de» „lettres” et d’études, recueillis ou non en volume, M. Lovinesco s’est montré beaucoup moins rigide et moins scru* puleux. Quittant son attitude aristocrat tique et hautaine, il s’est lancé dans lai plus effrénée publicité que la vie lit« téraire roumaine ait jamais connue. M. Lovinesco ne se limite pa3 à an-» noncer ses livres, et à en surveiller lai publicité. C’est un véritable ,,bour­­rage de crâne” qu’il a entrepris. Il ne se contente pas des notes éditoriales, des entrefilets, des photos, des dessins, ou des chroniques et des articles de3 autres, qui paraissent périodiquement, il a entrepris une action publici­­taire à son propre compte. Nous l’avons suivi soigneusement: depuis de long* mois M. Lovinesco n’a pas écrit un seul article, sans qu’il n’engage direc­tement ou indirectement sa propre per­sonne ou ses écrits. La chose doit sur­prendre, non seulement par 2equ’elle nous vient d’un homme qui avait une légitime répugnance envers ces procé­dés, mais parce qu’elle a atteint un dégré et un caractère qui choquent péniblement. Car ce n’est pas seule* ment la publicité qui est en cause, mais aussi l’attitude polémique de l’écrivain et la qualité des attaques qu’il dirige contre ses adversaires. Pour préciser le cadre de la dis­cussion, nous classerons les articles de M. Lovinesco en deux catégories: ar­ticles où l’écrivain se borne simplement à protester contre ceux qui ignorent son activité, et articles où il dévoile, avec un déplorable manque de tact, certaines maladies et tares organiques de ses adversaires. Mais, procédons par ordre. Les pre­miers articles sont l’expression d’une irritation ou d’un mécontentement. Un événement quelconque indispose M. Lovinesco: au bout de quelques jours la réaction se produit immanquable­ment. Ainsi, en recevant la visite d’un général, il s’aperçoit que son visiteur ignorait sa qualité d’écrivain. M. Lo­vinesco consacre à son visiteur un long feuilleton, pour lui montrer son im­pair; le prix national de critique est décerné à M. Dragomiresco : M. Lovi­nesco écrit l’article „Une larme” qui finit par ces mots (nous citons de mé­moire) : „la larme de cet écrivain va­lait pour le moins un prix de critique”; étant obligé de se déshabiller devant une commission médicale pour être examiné, M. Lovinesco proteste contre ce manque d’égards de la part des mé­decins, dans l’article „La commission médicale”. La signification psychologique de ces articles est bien claire: un égotisme démesuré conduit M. Lovinesco dans son activité publicitaire. En dévoilant au public des choses dépourvues de tout intérêt général il ne fait que ré­véler son mécanisme psychologique et Ion Bihem (Suite en page 6) '"Tiiiiiiii11" ..........................................................."Hill#1'

Next