Le Moment, Novembre 1938 (Année 6, no. 1111-1135)

1938-11-02 / no. 1111

2 CARNET OC JOUR Mardi 1 novembre 1938 l’HEA IKES OPERA: „La chauve souris” d’amour” THEATRE MODERN: „30 secondes d’amour” THEATRE COMOEDIA: „Amour sur notes” REGINA MARIA: „Edition Spéciale” LIGUE CULTURELLE: „Le révi. seur” ALHAMBRA: „La constellation de l’Alhambre” SAVOY: Cantarelli, trois heures de prestidigitation. CINEMAS ARO: „Les aventures de Marco Polo”, avec Gary Cooper. CARLTON: „Le mannequin” avec Joan Crawford CAPITOL et ROXY: „Magda” avec Zarah Leander SCALA: „Les aventures de Robin Hood" avec Eroll Flynn et Olivia de Havilland BIZ ANTIN: „La haine” et „La se­­conde jeunesse". ISBANDA: „Túra, déesse de la jun. gle” et „Le maître de la ville” TRIANON et ELYSEE: „Manuela” avec Dorothy Lamour. REGAL: „Le joueur d’échecs” avec Conrad Veidt SELECT: „Pépé le Moko” avec Jean Gabin et Mirelle Balin FEMINA: „Katia" avec Danielle Darrieux A. R. P. A.: „La vengeance du dieu Siva” avec Rochelle Hudson BOULEVARD PALACE: „Extase” avec Hedy Kisler Lamar CORSO; „Attention, M. le proies. sefur”, avec Harold Lloyd FORUM: Quelle joie de vivre”, „J’ai retrouvé l’amour“. FRANKLIN: „La femme diabolique”, „Scandale sans moitif” NISSA: „Prince et mendiant", „Gas. parone” TOMIS: „La blocade”, „Alarme dans la nuit” VOLTA: „L’asile de nuit”, „Les Va. gabonds” MARNA: „Les conquérants de l’air”, „Garçons en uniforme” LIA: „La femme diabolique", „Jeu. nés filles à marier” OMNIA: „Le ménage du dr. Allan”, „Danger de mort“. UNIC: „Mirage”, „Le diamant du Sultan” • Le Moment LES âmiSSSIONS @1 LA. JOURNÉE 1875 m. RADIO-ROUMANIE ,, 364,5 m. RADIO-BUCARESI Mardi 1 novembre 1938 6,30: Début de l’émission. Culture physique. Conseils aux ménagères et conseils médicaux. Concert du matin (disques). Radio.Journal. Continua­tion du concert. 7.45: Fin de l’émis, sion. 12,00: Emission expérimentale. Musique variée (disques). 13,15: L’heure exacte. Actualités culturelles. Sport. Etiage du Danube. 13.25: Con­cert de midi, l’orchestre Costica Tan. din, Petre Alexandresco (canto). 14,10: L’Heure exacte. Bulletin mété­orologique. Radio . Journal. 14,30: Continuation du concert. 15,25: Va­riétés. Actualités radiophoniques. 19: L’heure exacte. Bulettn météorologi­que. 19,02: Réponses à, la Poste tech­nique. 19,17: Concert de musique va­riée (disques). 19,40: Mme Dora Massini (canto). 20,00: Le Bucarest d’autrefois, par le prof. N. Iorga, 20,15: Concert d’orgues Iohanes Sta­­delmann (transmission de l’Eglise E- vangélique). 20,50: Chronique scien­tifique par le prof. Valcovici. 21,05: Concert symphonique de l’Orchestre Radio, dirigé par Th. Rogalski. 22,00: Sport. Radio-Journal. 22.20: Continu­ation du concert de l’orchestre Radio. 22,45: Concert de nuit de l'Orchestre Victor Fredesco. 23,45: Journal pour l’étranger en français et en anglais. LES COURS L’Archiduc Anton de Habsbourg et l’Archiduchesse Ueana qui se trouvaient avec leurs enfants en Roumanie, out quitté Dimanche la Capitale, en avion, se dirigeant vers Vienne, via Belgrade. L'Archiduc Anton de Habsbourg pilote un avion bi-moteur, Dragon de Haviiland, D-OEEA. Le départ a eu lieu à l’aéroport Baneasa, pendant le concours aéro­nautique des inter-associés qui a été suspendu pour quelques minu­tes. Les distingués hôtes ont été sa­lués par le général Paul Teodores­­co, ministre de l’Air 6t de la Ma­rine, le général Sviedenek aide-de­­camp royal, le commandeur Scar­­lat Radulesco, directeur de l’avia­tion civile, M. Simion, commandant de l’aéroport, et une délégation des Femmes Orthodoxes. * * * S. M. le Roi Georges de Grèce, est arrivé dimanche à 8.40 h. à Paris. Le Souverain a été salué dans son train spécial par M. Polltis, ministre de Grèce à Paris et par les membres de la légation. Le Roi Georges a continué en­suite son voyage en direction de Londres, où II est arrivé ea gare de Victoria vers 17 h. LÉGATIONS M. Radu Djuvara, ministre de Rou­manie à Berlin, est arrivé dans la Ca­pitale. 11 a été reçu par M. Petresco- Comnène, ministre des Affaires Etran­gères. * * La Légation roumaine de Sofia a offert un diner en l’honneur de M. Kiosseivanoff, président du Conseil des ministres et ministre des Affaires Etrangères de Bulgarie. Outre le président du Conseil et Mme Kiosseivanoff, y ont participé plusieurs membres du gouvernement j et du corps diplomatique de Sofia. * * * M. von Ribbentrop, ministre des Affaires Etrangères du Reich, est ren­tré dimanche à Munich, avec toutes les personnes qui l’ont accompagné à Rome. Le ministre allemand a été reçu sur le quai de la gare par des noàibreiiS'cs . personnalités, parmi lesquelles M. Bernardo Attolico, ambassadeur d’I­talie. * * * M. Togo, nouvel ambassadeur du Japon en Russie Soviétique, est arri­vé à Moscou, venant de Berlin. DISTINCTIONS S. M. le Roi d’Italie et Empereur d’Ethiopie a bien voulu décorer les of­ficiers suivants de l’aéronautique roumaine de l’ordre de la couronne d’Italie au grade de commandeur: Le Commandeur Radulesco Charles, le commandeur Popovici André, le commandeur Jienesco Georges, le commandeur Vasiliu Georges, le com­mandeur Burduloiu Trajan, le cap. com. Minco Const. Au grade d’offi­cier: le cap. corn. Marco Bassile. Au grade de commandeur: le cap. com. Cernesco Alexandre. Au grade d’of­ficier: le capitaine Popa Jean. DANS LE MONDE tie contre M. J. M. Young, le comte de Moltke a battu M. Alexandre Cretziano et M. Wildbore, a remporté la partie contre M. Georges Miclesco. Aujourd’hui continuent les matchs de semi-finales. * * * Dimanche a eu lieu la cérémonie du sacrement de l’église construite par M. Elie Stoian, à Calugareni, localité historique célèbre pour la victoire que le Grand Voïvode de Munténie, Mi­chel le Brave, y remporta sur les Turcs en 1 599. Dans la nombreuses assistance, nous avons remarqué : S. S. l’évêque Nicolas Colán, ministre des Cultes et des Arts; M. Al. Gane, résident royal de la contrée de Bucegi, S. S. Venia­min, vicaire de la Patriarchie, le co­lonel Ghigort, préfet du département de Vlasca, M. et Mme Elie Stoian, le général, Mme et Mlle Sanatesco, le colonel Stavar, préfet du Palais, le col. et Mme Dan Pascou, M. Dan Pascou­­junior, l’ing. S. A. loanid, le directeur de la C. A. M., Mme et Mlle Mitesco, M. Antoine Caragea, architecte, le général et Mme Stefanesco, Me Teo­­doresco, le commandant magistrat Marcian Petresco, le col., Mme et Mlle Golici, M. N. Niculesco, architecte; M. Em. Stefanesco, sous-directeur à la C. A. M., etc., etc. NOS HOTES M. Harry Baur a assisté ...■- - soir à la première de „Prix Nobel” au Théâ­tre National. ON ANNONCE ^ Le jeudi 3 novembre, à 21 h. aura lieu à l'Athénée le quatrième . concert symphonique de cette saison, de l’Orchestre Philharmonique des I Fondations Royales, sous la direction 1 du maître Georges Georgesco, et avec le concours de la pianiste Clara Haskii. Au programme : la première sym­phonie (classique) de Prokopoieff, le concert pour piano et orchestre mi bémol) de Mozart, et la suite (en de l’orchestre „Le sacre de printemps” de Strawinsky. Billets à la librairie des Fondations Royales, Piatza Palatului. £ La Société Franco-Roumaine „Louis Barthou” porte à la connais­sance- du public que la conférence du prof. Gh. Tasca aura lieu le jeudi, 17 poyembre 1938, à ^9 heures du soir,' salle „T/àlles". La conférence est inti­tulée : „La position internationale de la Roumanie après la conférence de Munich”. de ® Le dr. Virgile Leonte, directeur l’Association scientifique „pour l’Encyclopédie de la Roumanie”, fera demain mercredi 2 novembre, à 6 heu­res du soir, salle Dalles, une troisième conférence intitulée : „L’imagination, flambeau de la science”. © M. Paul Samoila, un sténographe professionnel réputé, vient de faire paraître un manuel pratique de sténo­graphie, sans voyelles, pour l’usage parlementaire et commercial, adapta­ble aux langues étrangères. Le nouveau manuel a été mis en vente aux librairies au prix de 25 lei. EXPOSITIONS d Aujourd’hui, 1-er novembre, à midi, aura lieu salle Dalles le vernis­sage de l'exposition, du peintre Kimon Loghi. L’exposition sera ouverte pendant tout le mois de novembre et comprend un gïand nombre de toiles nouvelles ainsi qu'une série de tableaux repré­sentant les moments les plus représen­tatifs de la carrière artistique du grand peintre. DÉCÈS Le général Dégoutté est mort à Charney (Rhône), âgé de 72 ans. Le défunt a été le commandant des armées alliées en Rhénanie. LA VIE A BUCAREST Chronique Mondaine LE TEMPS Les dernières 24 heures le temps a été variable, le ciel plutôt couvert et un vent léger du secteur Nord. précipitations sont tombées dans Des la moitié du pays. Au Sud on signale du brouillard, matin et soir. La température en baisse, varie de [18 dg. à Balcic à 4 dg. à Campulung Bucovina. La température maximum d'hier a atteint 26 dg. à Giurgiu et 17 dg. dans la région des montagmis. Celle minimum de la nuit a oscillé de ,1 I dg. à Balcic à 5 dg. à Prédéal. La pression atmosphérique légèrement en baisse varie de 755 mm. à Timisoara à 760 mm. à Sulina. PREVISIONS La pression atmosphérique en haus­­sie de 3 à 4 mm. Ciel plutôt couvert. Pluies dans la moitié Est du pays et ensuite dans tout le pays. Vent moyen du secteur Nord à l’exception du Sud-Est, continuera a souffler du secteur Sud. La température en baisse. Samedi ont continué au Country- Club les matchs-play pour les quarts de finale de la coupe challenge de Bu­carest. Nous donnons ci-dessous les résul­tats de ces parties : Dames: gagnante: Mme Florica Ro­­malo, Mme Jeanne Cretzeano a battu Mme Simone Butculesco, Mme Al. Dendrino a battu Mme Sylvia Hoenig, Mlle Georgette Leckmann, Mme Mag­da Miclesco. Hommes: M. Niki Chrissoveloni a gagné la partie contre M. Wherry, M. Georges Cretiano a gagné la par­ A LOUER, chambre élégam­ment meublée, entrée indépen­dante, accès salle de bains, tou­te proche, téléphone, pour un ou deux messieurs. Gogu Canta­­cuzino 61, rez-de-chaussee. LE MIROIR fi) BP MOMENT^ LES ETATS-UNIS AFFOLES PAR UNE NOUVELLE DE WELLS Une panique indescriptible s’est em­parée dimanche de la population des Etats Unis, à l’occasion de la trans­mission à la radio de la nouvelle de H. G. Wells „La guerre interplanétaire”. L’agence Reuter, qui donne un série de détails, écrit que la transmission a été faîte en remplaçant les noms des villes fictives de l’original de Wells, par des noms de villes américaines. Immédiatement après le commence­ment de la transmission, milles deman­des téléphoniques ont assailli la sta­tion de radio — et les rédactions des journaux., On a dû annoncer au mi­crophone qu’il s’agissait seulement d une fiction. Une véritable crise d’hystérie s’est emparée des auditeurs. Un mouvement de panique s’est mani­festé a New-York, et des nombreux habitants se préparaient à quitter la ville. Des centaines de personnes ont affirme à la police et dans les rédac­tions qu’ils „avaient vu l’invasion”. En Atlanta beaucoup ont cru que la fin du monde approchait. Les foules ont commencé a réciter des prières. Dans les églises d’Indianopolis les fem­mes criaient: „New-York est détruit, Allons mourir chez nous”. Des milliers de médecins et d’infir­mières accoururent au bruit qui cir­culait sur des attaques avec les rayons de mort et des gaz. Par appels télépho­niques, Canada s’informa des détails du désastre. Vu cette panique collective, ia re- DÉJPLACEMENTS Le président de la Direction Géné­rale, M. Charles Haas, constructeur des nouvelles ingénieur­­usines à tubes ,.Malaxa”, a quitte. Bucarest vendredi dernier par l’Orient-Express. Son absence durera deux semaines. MANY A flOtfiZ Cours de piano et d'éducation musicale. Cours spéciaux pour entants à partir cie 4 ans. Calea Victoriei 63, tél. : 3.23.50. BRODERIES ROUMAINES : blouses, nappes, chemises, etc. chez „5 ä t e c n c a" 38, Bd. Bratiano (Bloc Algiu) 9261 transmission a été interdite. La nou­velle de Wells traitait d’une invasion imaginaire de la terre par les habitants de la planète Mars. LE CHANCELIER PROPRIETAIRE D’UN HITLER CHA­TEAU HISTORIQUE Le conseil municipal de Berg-eich­­stein, localité située dans le Sud-Ouest de la Bohême, a décidé d’offrir au chancelier Hitler, le château histori­que de Karlsburg, bâti pour l’empe­reur Charles IV. DEMAIN soir aura lieu au Théâtre Regina Maria, la I-ère représentation de i’ENSEMBLE FRANÇAIS avec HARRY BAUR On jouera „SAMSON” de Bernstein, le jeudi, 3 novembre: JAZZ, de Pagnol. le vendredi, 4 novembre: LE MARI QUE J’AI VOULU, de Louis Verneuil. — Les derniers billets à l’Office Théâtral, 4, Passage Comoedia MERCREDI 2 NOVEMBRE 1938 A LA MANIÈRE DE „CLI­MATS” D’ANRBÉ MAUROIS K IL , 1171k-Dansez .* un jour, hélas, o ieines [ éphémères y De votre jeune empire auront iui [les chimères. Le Bal (A. de Vigny) Athènes, octobre 1938 Nata chaussa ses petits escarpins la­més sur ses fc*as en toile cl arraignée moulant une jambe délicieuse, puis passa sa robe de tulle rose sur son fond de jupe de la même couleur. Elle piqua un bouquet d’oeilleta artifi­ciels à son corsage et après avoir ra­fraîchi les boucles folles qui aaii' salent .sur le sommet de sa tête, elle y passa quelques fleurs. Lile se mira en­suite, assise sur le tabouret de sa toilette, la houppette de poudre à la main, et inspecta [’ensemble charmant que pouvait orésenter Une jeune fille de 1 7 ans, vêtue pour la première fois d’une robe longue et décolletée. Sont entrée dans le monde 1 Rien qu’à la pensée de tout cet in­connu agréable qui l’attendait, elie frétillait de plaisir. Elle se poudra très légèrement et se passa un soupçon de rouge sur les lèvres. Entre temps ses pensees volaient. Elle allait à son premier bail Comme pour mieux se rappeler, elle saisit une carte sur sa toilette et relut à mi­­voix! „A l’occasion de la visite du navire école „Circé”. le commandant et Mme de Chambord ont l'honneur de prier Mme et Mlle...” Nata répéta* „Madame et Mademoiselle.” Ainsi, on la prenait enfin en considération. Depuis la mort de son père, ce serait la première sortie officielle qu elle fe­rait avec sa mère. 'Quel bonheur d» danser avec des aspirants cle marine! Nata n’osait penser aux qu’elle jugeait trop imposants officiers pour elle, fraîche émoulue du pensionnat. Au moment où Nata et sa mère fi­rent leur entrée dans le salon des Chambord, il était déjà rempli. Le re­gard de Nata he s’arrêta que peu sur les invités en habit, et elle restait là, dans un coin du salon, figée d admira­tion devant le joli tableau qui s’offrait à ses yeux* des jeunes filles vêtues do robes claires èt légères, dès jeunes gens en costume blanc immaculé aux galons d’or, et d’autres en bleu foncé avec des petites pointes en bas de leur veston. On entendait des bribes de conversation noyées dans des éclats de rire, le son des verres de cristal et des bouchons de champagne. Comme dans un rêve. Nata Comprit qu’on la présentait au commandant et à quel­­.; ques invités. Soudain l’orchestre • écla­ta en une .rumba, endiablée, elle en­tendit un i.Dansezi-vous?” ot i?e jenfeit arrachée dans un tourbi’ion de gaîté. Comme c’était donc facile de pouvoir danser et parler à la fois ! Elle s’était figurée être d’une gaucherie et d’une timidité à faire fuir, mais elle dut se rendre à l’évidence du contraire, lors­­qu’en moins d’une heure, elle eut dansé avec huit aspirants et trois offi­ciers. Elle avait pensé qu elle n’aurait jamais pu avaler du champagne, mais elle avait déjà bu trois coupes à la santé de la flotte sans se sentir ,1e moins du monde incommodée. Un peu plus gaie, peut-être, plus rose, plus jo­lie, c’était certain. A deux heures du matin, une vedette emporta tout ces charmants cavaliers, et Nata fut menée chez elle tout heureuse de ra­la perspective enchanteresse d’une invi­tation pour le lendemain soir à bord de la „Circé”. Ce soir-là elle dansa davantage a­­vec un jeune aspirant de marine du nom de Jean Thomas et but avec lui plus de cinq coupes de champagne. Il 1 emmena faire le tour du navire puis tous les deux s’installèrent à l'avant, sur des chaises-longues à contempler les étoiles. Soudain. Nata demanda Z „Et quand partez-vous?" „Demain soir avec le coucher du soleil". „Si tôt ! Quel dommage! Et moi qui pensait que je vous verrais encore quelques fois". „Je vous écrirai, voulez-vous?’' „Quelle bonne idée! Et je vous enveZ- râi de longues lettres sur la vie ici, siir tout ce qui peut vous intéresser”. „En­tendu: Maintenant il vaut mieux des* cendre sur le pont, avant que l’on lis s inquiète de votre absence", DANAE CAPAYANNIDES (A suivre) Thomas Mann (Suite de la des plus graves, dont on ne sait si l’Europe est capable encore de l'entendre. Mais c’est en messager que Thomas Mann part pour l'A­mérique, en porteur des richesses culturelles d‘une terre qui les rend stériles à force de les méconnaître, et qui là-bas retrouveront leur fé­condité et un avenir. Il jette un pont entré les deux continents ; il transmet à d'autres, plus jeunes dans leur histoire, plus libres, ce bien spirituel si précieux que nous sommes près de laisser perdre, et que ces autres garderont, feront peut-être fructifier pour nous. En­fin, 1 trouvera là-bas oe minimum en Amérique page 1) de sécurité et de liberté d’esprit qu'exigent aussi bien son oeuvre d'écrivain que sa noble activité de défenseur de l'humanisme et de la culture. Il a choisi de parler tout d'abord de la démocratie dans cette terre d'élection de la démocratie, dans ce pays qui n'a pas connu d'autre régime et pour qui ce mot ne dé­signe pas une conception politique ou une forme de gouvernement, mais une conception de l’homme en société et une philosophie de la na­ture — qu'on songe à Whitman, par exemple, — une sensibilité et presque une vision de l'univers. „Vom zukünftigem Sieg der De­mokratie”: „De la future victoire de la démocratie“, — te] est le ti­tre de la conférence que Thomas Mann a prononcée dans plusieurs villes des Etats-Unis et qu’il pu­blie aujourd'hui. Et c'est dans ce même sens uni­versel qu'il comprend le mot: une société où la part la plus grande est faite à la dignité, au bien-être spirituel et matériel de l’homme, et dont le statut économique garan­tit une vie équitable pour tous. Dé­mocratie qui s'accomode de n'im­porte quel régime, pourvu que ce régime respecte cette liberté, cette intégrité de la personne et n'en­trave pas son progrès moral. Dé­mocratie qui met au premier plan la continuelle création de la paix entre les individus. Et si Thomas Mann se permet de parler de la démocratie aux A-méricains, qui l'ont reçue sans ef­fort, c'est qu'il a appris qu’elle n'était pas assurée là même où on la croyait la plus sûre, qu'elle n'est pas encore conquise, pas en­core fondée, et que les plus lour­des menaces s’accumulent contre elle à l'horizon du monde; c'est qu'il a senti qu’elle était perdue, et avec elle notre culture occiden­tale, héritage du mondé antique et de la conscience chrétienne, si elie ne prend pas mesure des dangers qu’elle court, n'est pas capable d'un effort de redressement et de vigi­lance, n'apprend pas à lutter avec le même àchanunent que ses en­nemis. On voit que Thomas Mann n'in­vente rien. Ce qui fait le prix de ces pages, outre la beauté et la force vive de l'expression, outre certains passages originaux, celui, par exemple, où l’illustre écrivain qui est, ne l'oublions pas, un grand bourgeois des lettres à la façon de Goethe, montre que la vraie démo­cratie est plus aristocratique, au sens propre, que tel régime où l'autorité s’appuie sur l'élément le plus bas de la population; ce qui fait, disons-nous, le prix de ces pages, c'est leur netteté morale, c'est aussi l’espoir que Thomas Mann nous contraint à garder avec lui, en dépit de l'épreuve du pre­sent. Querelle d'investiture, a écrit Malraux à propos de Thomas Man et de quelques autres, et au­cune jamais n'aura été si bien jus­tifiée. Mais la destinée même du monde est engagée dans le débat. C est un Allemand qui parle, avec quelle autorité, et il pense surtout à 1 Allemagne. Prenons garde, puis­qu'il est encore temps, qu’il n'ait pas bientôt à penser à nous. JACQUES MERCANTfW }

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