Le Moment, Mars 1940 (Année 8, no. 1498-1522)

1940-03-01 / no. 1498

STOW .̇ SCO RES! 8-njc ANNÉE No. 1498. —...................... BUCAREST 2 rue ARIST. DEMETRIADE Redaction, Administration Tél. 5.19.9 t a Imprimerie ei Ateliers de Pliotogra-vara „Le Moment“ 2, rue Arist. Demetriade. Tél. 5.19.9! DIRECTEUR: ALFRED HEFTER Propriétaire : Le Moment S. Â. Inscrit au registre de publication» du Trib. d’Ilfov, son* le No. 243/1938 4 PÂêlS 3 Ml Taxe postale acqnitée en espèce» conformément l’ordre No. 24.457/939 de la Direction Générale P. T. T. -­ UNE LUMIERE QUI S’ETEINT Un grand peintre rou­main est mort, To­i lnitza, celui qui fut le P^,U!3 nôtre de tous ceux dont s’honore la peinture roumaine. Il ns fut pas un peintre, moder­ne, il ne se rallia à aucune école. Il peignait simplement les choses qu’il voyait à sa manière, Né sur la terre moldave, dans un pays de collines riche et doux, terre d)e gaillardise et d’humour, mais aussi terre des conteurs les plus féconds, des poètes les plus sensibles, il en incarna le génie délicat. De ses études qui, ie menèrent tour à tour à Munich, à Paris et ©n Italie, il ne retint que juste l’enseignement qui lui permit d’ex­primer ce qu'il ressentait de plus personnel. Aucuns tr&ee, dams ses 'tableaux, ni de la minutie carac­téristique de l’école allemande, ni .des recherches françaises de lumi­ère- Artiste authentique, il assi­mila ce qui lui venait du dehors et rejeta le reste. Chez lui, la tech­nique se cachait discrètement sous une vision sensuelle et poétique. Il fut lui, et rien que lui, un pein­tre du terroir, de la clarté, de la quiétude, de la pure volupté de vivre. S’il reprit les pinceaux tombés dè la main de Lukian, ce ne fut pas pour l’imiter, mais pour cou- | tinuer, puisqu’il se trouvait que la voie de celui-ci était naturelle­ment, par affinité, aussi la sienne. Les tableaux de Tonitza reflè­tent une clarté épurée de tous dé­tails encombrants, le bonheur ani­mal dans son acception paradi­siaque, une parfaite égalité de la matière vivants devant la sensibi­lité du peintre, le calme parfait d’un bonheur qui ne va pas sans quelque nostalgie. Ses nus, ses fleurs — roses, jonquilles, anémones — ses en­fants, sont faits tons de la même pâte chaude, lumineuse, comme pétris dans le coeur même de l’au­tomne. Les pétales des fleurs sont charnus, les nus dépourvus de l’élément érotique ne respirent que le simple, le rustique bonheur de vivre, les enfants ouvrent sur le monde des yeux émerveillés!, pro­fonds comme des lacs. C’est une vision éclectique du monde qu’il nous donne dans ses tableaux, vi­sion d’où il bannit tout ce qui fut la réalité de son époque —• trou­bles, violence et guerre, — et de l’avoir créée de ses nostalgies elle est plus vivante que la réalité que nous touchons. * * * C’est pour avoir créé ces fem­mes, ces fleurs, ces yeux émerveil­lés et neufs qui s’ouvrent sur le monde, ce „style Tonitza”, qu’il a conquis une place à lui dans la peinture roumaine. Car, pour exprimer ses généreu­ses révoltes, ses enthousiasmes vi­brants Tonitza avait sa plume. Qui donc parmi le public lecteur sait que les „Chroniques non littérai­res et fantaisistes” parues il y a environ trois lustres avaient le peintre pour auteur? Pour ce qui est de l’homme, ses amis, ses élèves déplorent la mort qui le ravit en pleine maturité, qui leur enlève l’ami de commerce a­­giréable, liant, le maître généreux. Il reste aux amateurs de peinture ses tableaux pour se consoler. L’homme meurt, mais l’oeuvre reste. SIDONIA TUDOR Le 28 février Les agences télégraphiques alle­mandes et après elles, les autres agences des pays neutres, ont lancé quelques nouvelles, plus ou moins extraordinaires, concernant tantôt les mouvements des troupes alliées, dans le proche Orient, tantôt des manoeuvres de la flotte russe dans la Meï Noire, et entre ces deux séries d'informations, les journaux anglais, y compris „The Times“, ont rapporté la présence à Odessa et à Sébastopol de deux mille ex­perts allemands, chargés de poser des mines dans les eaux territoria­les de VU. R. S. S. * * * Concernant les manoeuvres de la flotte russe dans la Mer Noire, le correspondant à Moscou de la D. N. B. a voulu préciser qu'il s'agit d'exercices faits par des unités na­vales, récemment construites en Russie, et qui compléteraient d'un tiers le nombre d'unités existantes. En réalité, on a pu assister ce dernier temps aux manoeuvres de l'artillerie côtière, qui a été renou­velée dernièrement, et pour laquelle on a dû instruire les anciens con­tingents. Dans ce but, on a vu, dé­filer la flotte devant les villes cô­tières. En même temps, on étudie la possibilité d’escorter les tran­sports de Batoum, au cas où on trouvera utile et possible de tran­siter d’importantes quantités par la voie du Danube. On étudie donc, aussi, un système de défense, con­tre toute éventuelle attaque navale, par le placement d'un vaste réseau de mines, en suivant les suggesti­ons des Allemands qui ont acquis dernièrement une précieuse expé­rience. Evidemment, on voudrait voir dans toutes les mesures prises, dans le proche Orient, soit par les Rus­ses soit par les alliés, les sig­nes d’une inévitable complication, destinée à étendre le front de la guerre des deux côtés de la ligne eurasienne. En étudiant de plus près le pro­blème d’un éventuel conflit dans VAsie moyenne, on devrait ne pas oublier l'importance de la Méditer­ranée et du Canal de Suez, pour le ravitaillement de FU.R.SS. en Ex­trême-Orient. Le pétrole de Bakou, pour arriver à Vladivostok, ne tra­verse pas la Russie Européenne, pour longer après, tout le nord de l'Asie, par la voie sibérienne. (Dans ce cas, il serait plus convenable, de ravitailler l'armée russe de l’Ex­trême-Orient, en pétrole importé des Etats-Unis). Or, grâce aux bonnes relations qui existent encore entre la Gran­de Bretagne et FU-RSJS., l’armée rouge de l'Extrême Orient, est four­nie en pétrole par les tanks sovié­tiques qui panent de Batoum par le Bosphore et les Détroits, et en passant la Méditerranée profitent de la liberté de passage pour tra­verser le Canal de Suez et le Golfe Aden afin d'arriver à l'Océan In­­» dien, et, ainsi sous la surveillance de la flotte britannique, les trans­ports russes peuvent-ils longer la Chine pour accoster à Vladivos­­tock. 11 faut regarder une carte, pour mieux se rendre compte des insur­montables difficultés que rencon­treraient les éventuels transports de la région Caspienne du sud, jusqu’à la mer du Japon, par voie de terre. L’U. R. S. S. a une superficie de 21.343.542 km. carrés. Sur cette immense étendue, il n’y a ■W1 i , . •«c-.víiCi.... N. ïo'MTi’ZA. Autoportrait En Orient, rien de nouveau (De notre correspondant particulier) La Haye, février 1940 A Londres, on donne des détails sur lets concentrations des troupes misses dans le Caucase, et on pré­cise qu’on y travaille constamment à établir unie ligne de fortifica­tions. On peut lire des détails dans la' presse spécialisée dans les qnes-1 tiens de l’Extrême-Orient, sur la mission que les Allemands et les Russes, remplissent à Téhéran, afin de connaître les. mouvements de l’armée du Général Weygand, afin de pouvoir contre-carrer ses initia­tives. D faut pourtant reconnaître que des deux côtés, à Moscou et à Lon­dres, on ne cesse de répéter, que les mesures prises, sont stricte­ment défensives. L’opinion publique néerlandaise s'intéresse beaucoup à l'évolution politique en Asie, étant donné les importants intérêts que la Hollan­de a à deifendre en Extrême-Orient et sur la route des Indes. On connaît chez nous par le merni l’activité que ta flotte bri­­tanmique déploie dans l’Océan In­dien et dans îles East Indies. La flotte britannique y détient non seulement le contrôle des routes et dies transports, mais aussi ctP.rri des ports, de tous les ports. Il paraî­trait donc très étrange, que des complications surgissent en Asie a. vaut que les premières batailles se livrent en Occident. D’ailleurs, tous las correspon­dants à Paris, des journaux néer­landais, ont démenti, de source of­ficielle, les mobilisations qu’on a­­----------—......—....—— ■ *Y On dit à Paris et à Lon­dres, que ceux qui pour­raient croire que les forces alliées de l'Occident pren­draient la route de l'Asie, pour renforcer l'armée de Weygand et dégarni­raient ainsi le front occi­dental se trompent pro­fondément. Quant a l'U. R. S. S., elle aurait intérêt a garan­tir la tranquillité du Cau­case et le développement de l'exploitation pétrolière de la région voisine à la Turquie, exploitation de­vant assurer en plus du ra­vitaillement en combusti­bles de l'armée russe, la réussite du programme agraire. vait annoncées auparavant, soit du côté russe soit du côté turc. Les ex­perts militaires finançais, sont d’a­vis que toutes les versions concer­nant la mobilisation russe dans le Caucase, serait d’origine allemande, et le but de ces informations se­rait de créer une diversion. On dit à Paris et à Londres, que la propagande aTcmande, très ha­bile, se trompe pourtant, lorsqu’elle croit que les forces alliées de l’Oc­cident prendraient la route de L’A-sie, pour renforcer l’armée de Wey­gand et dégarniraient ainsi le front occidental. L’Etat Major franco-anglais, connaît en détail les difficultés presque Insurmontables que devrait rencontrer une mobilisation de l’U, R. S. S. (Tans le Caucase. La situation des transports et des ravitaillements, est de natare à constitu er un obstacle très sérieux, que l’U.K.S.S. connaît au moins tout aussi bien que les alliés. SI se peut que l’on exerce une au­tre pression, dit-on à Londres, de la part de Moscou, en direction d’An­kara. Il n’est pas exclu, qu’après l’expérience de Finlande, l’U.R.S.S. veuille bien reprendre les pourpar­lers avec la Turquie. C’est toujours possible que Ton essaie d’une voie indirecte pour arriver à ce but, qui couvre un intérêt cardinal soviéti­que: il s’agit de garantir la tran­quillité du Caucase et le développe­ment de l’exploitation pétrolière de la région voilsine à la Turquie, ex­ploitation devant assurer eu plus du ravitaillement en combustibles de l’armée russe, la réussite du programme agraire. En 1940, la récolte en Russie dé­pend des disponibilités en combus­tibles, sachant que les exploita­tions agricoles ont été adaptées à un équipement industriel très a/­­vancé. En prenant en considération tou­tes ees données, on a l’espoir que rien de nouveau ne se passera en Orient. VAN DAM HOLST que environ 80 mille km. de ehe- i mins de fer en bon état de foncti­onnement. Il serait vraiment difficile que les transports de pétrole arrivent d'ouest à Fest rien que par'voie de terre, surtout connaissant la situa­tion des routes et des chemins de fer. Il faut se demander, si les conditions actuelles de la vie inter­nationale, lorsque les forces rouges de FExtrêmeOrient sont au moins tout aussi importantes que les for­ces mobilisées en Occident, per­mettraient à la Russie des initiati­ves politiques et militaires, dont le risque, le moindre, serait de com­promettre les relations par voie de mer entre les régions pétrolières et le front Bluchet. Les rapports avec le Japon, ne sont pas encore réglés de façon à laisser entière liberté à TU.R.S.S., en Occident ou dans le proche Ori­ent. Il est vrai que la campagne de Finlande pourrait ouvrir une perspective à FU-R SS. vers F At­lantique. L'objectif final n'est plus un se­cret aujourd’hui. Les côtes de l'Atlantique et sur­tout les merveilleux abris pour les sous-marins et les corsaires, que constituent les fjords, sont me attraction irrésistible, stratégique, politique et économique. Moscou, se considère prisonnier dans la Mer Noire et prisonnier dans la Baltique. L‘U.R.S S. ne peut avoir accès aux autres mers et aux océans, qu’en gardant de bons rap­ports, au moins les rapports d‘aw jour d’hui qui ont atteint l'extrême limite possible, avec la Grande Bretagne. La Russie, avec 180 millions d'habitants et avec un potentiel de 14 millions de combaiants, ayant une industrie capable de produire deux cent mille chars et six mille avions par année, lutte éperdument contre un pays de 3.800.000 habi­tants, dont l’armée compte 400 mille âmes y compris cent mille femmes, pour acquérir encore des territoires dont l'étendue est égale à celle de la Pologne. A-telle besoin, la Russie, de nou­veaux territoires? Evidemment, non. Elle veut circuler librement sut les Océans. Elle cherche à ouvrir une grande porte sur F Atlantique. Pour cela, elle doit s’entendre avec la Grande Bretagne ou la vaincre, et avec elle, la France. Nous sommes persuadés que FU. R. S. S■ n’est pas encore préparée à cette bataille et qu'elle fera tout pour l'éviter. Dans la Mer Noire, dans la Bal­tique, dans l’Océan Arctique, la Russie fera tout pour se défendre, et rien pour risquer une guerre en plus de celle qu'elle mène aujour­d'hui et qui lui a déjà coûté: 800 chars d'assauts, 350 avions, 80 ca­nons de campagne, 3 bâtiments de guerre et 250 mille hommes. Ce sont là les raisons pour les­quelles nous considérons comme e­­xagérées les nouvelles dont nous faisons état au début de cet ar­ticle. ALFRED HEFTER UN DINER AU PALAIS STOLRDZA EN L’HONNEUR DES CHEFS DE MISSIONS ÉTRAN­GÈRES, ACCRÉDITÉS A BUCAREST. m 1HBBF —— â Mme Grégoire Gafenco, femme de notre Ministre des Affaires Etrangères enturée de M. G. Ta­­tare-co Conseiller Royal et Président du Conseil et de S. Ex. Monsc'gneur Andrea Cassulo, nonce apostolique et doyen du Corps diplomatique. vr,ynKKi(j^ ______ iâm RS 1940 LES HOMMES ET LEURS OEUVRES Victor vaicovici Monsieur Victor Vâlcovici, est un de nos plus éminents hommes de science. Professeur actuellement à TUniversité de Buoarest) il est licencié ès sciences mathématiques depuis 1907. Docteur ès sciences mathématiques et mécaniques de Göttingen (1913) il passa une thèse brillante et ne cessa depuis lors ds donner des travaux de plus en plus importants et de commencer à ini­tier les étudiants à l’art difficile des mathématiques. Nommé en 1915 agrégé à la chaire de mécanique de l’Université de Jassy, il ne cessa plus son acti­vité d’enseignement. Il obtint vite le titre de professeur titulaire <1918) et après la guerre, distin­gué par sa valeur en tout excep­­tionelle il fut nommé recteur de l’Ecole Polytechnique de Timisoara où pendant des années il fit dans la nouvelle Roumanie figure d’a­pôtre et de savant. Avec un acharnement dû seule­ment à l’amour de son travail M. Victor Vâlcovici organise l’institut dont il a reçu la direction. On peut dire qu’il a créé dans ces 9 ans, bâtisses, laboratoires, réglements, il améliore ainsi les conditions de travail de ses élèves, matérielle­ment et scientifiquement puisqu’il renouvelle Le personnel didactique de son école. Mais cette activité n-estpas suf­fisante à Monsieur Victor Valco­­vici qui institue en 1922 la „Société Scientifique de l’Ecole Polytechni­que de Timisoara, dont il est le président jusqu’en 1930, quand il quitte cette ville pour venir à l’U­niversité de Bucarest comme pro­fesseur titulaire de la chaire de mécanique. Toujours à Timisoara il fit pa­raître une revue de langue françai­se „Bulletin scientifique de l’Ecole Polytechnique de Timisoara” qui s’enorgueillit aujourd’hui de sa 15-ème année d’existence et qui conduit la pensée roumaine et la science de notre pays plus loin vers la magnifique civilisation de l’Oc­cident. Arrivé à l’apogée de son ac­tivité M. Victor Vâlcovici n’a pas encore renoncé à nous donner en plus de sa haute portée scientifi­que le labeur incessant de son ac­tivité. Depuis 1930, il a organisé à Bu­carest les laboratoires de mécani­ques qu’il a d’ailleurs institués lui­­même. En 1938 Sa Majesté le Roi lui a confié l’organisation de l’In­stitut de recherches scientifiques pour la Fondation Carol II. Mem­bre correspondant de l’Académie Roumaine, il continue à travailler dans beaucoup d’autres sociétés culturelles aussi bien en Roumanie, qu’à l’étranger. Comprenant la nécessité de dif­fusion de la science, il se mit de­puis déjà longtemps à vulgariser les données arides dans une langue claire et précise Les dernièrs ouvrages qui sans cesse gagnent en profondeur, en valeur et en tenue, traités du „l’é­quilibre d’un solide appuyé sur une surface élastique”. „Uber die Wi­­derstanswerte der Relativbewe­gung einer stanen Körpere in einer zähnen Flüssigkeit” et „sur les théorèmes généraux du mouvement des systèmes”. Toujours tenté par la recherche scientifique, encore jeune, M. Vic­tor Vâlcovici, peut encore donner un essor nouveau à nos sciences, créer des éléments de plus en plus capables, être toujours plus pré­cieux pour nous pour son activité infatigable, pour son esprit de créa­tion et d'organisation pour sa vus précise et juste et par la grande érudition de son esprit exception­­nelet si systématique. , ANA MARIA TUDURX

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