Le Moment, Juiliet 1940 (Année 8, no. 1593-1600)

1940-07-01 / no. 1593

Hes opérations d’évacuation en Bessarabie continuent confor­mément au programme LE COMMUNIQUÉ DU G RA ND ETAT MAJOR Le 29 [Juin a. c., le Grand Etat Major communique ce qui suit: Suite à l'acceptation de la note-ultimatum adressée ^par le gou­vernement de l'U. iR. S. S., les troupes soviétiques ont commencé à passer en Bessarabie le 28 Juin dernier. Le même jour, nos troupes ont commencé les opérations d'éva­­puation en remettent les viles de: Cernâuti, Chisinau et Cetatea- Albâ. Jusqu'taiu 29 Juin à 12 heures, en lignes générales, vo'ci le terri­toire qui a été cédé: Berhomet-Sud, Cer.iauti, Româncauti, Florent!, Orhei-ouest, Chisi­nau, CSusanî, La cul Alibei. Nos opérations d'évacuation continuent conformément au pro­gramme. I ,1.1^ f i <«* BUCAREST 8-m e'ANNÊE No! Ï593 BUCAREST 2, rue ARIST. DEMETRIADE Rédaction,Administration Tél. 5.19.91! • Imprimerie et Ateliers de Photogravura „Le Moment" 2, rue Arist. Demetriade, Tél. 5.19.91, ■'#«'! © ! ,, / DIRECTEUR: y ALFRED HEFTER |% Propriétaire ï Le Moment S. A. Inscrit au registre de publication du Trib. d’Ilfov, sou# le No. 243/1938. 8 PAGES 3 LEV Taxe postale acquitée en espèces conformément k l'ordre No. 24-457/939 de la Direction Gén érale P. T. T. Journal de Bucarest QUOTIDIEN ILLUSTRÉ D'INFORMATIONS POLITIQUES, ÉCONOMIQUES ET SOCIALES LASITUATION EN ROUMANIE VUE IDE LONDRES LONDRES, 29 juin F. A. R. (par télégramme de notre corres­pondant particulier). Toute la presse londonienne a consa­cré de longs articles à la Roumanie et aux complications survenues dans le Sud-est de l’Europe par l'interven­tion de l'U. R. S. S. Tous les journaux sans exception montrent une très large compréhen­sion devant l'attitude prise par le gouvernement roumain, qui se trou­vant seul devant la menace d'un très grand empire, a dû céder deux des provinces roumaines où se trouvent les traditions moldaves ies plus sa­crées. On respecte en même temps que la grave résignation roumaine, sa douleur et sa sagesse. Plusieurs journaux considèrent l'ac­tion de l'U. R. S. S., comme faisant partie d'un vaste programme politi­que et stratégique qui a été déjà établi au mois de septembre 1939 et qui se réalise par étapes, dans des conditions que les autres gran­des puissances suivent avec la plus grande attention, et sa is avoir ni l'intérêt ni le désir d'intervenir ou de s'opposer. Il y a pourtant des journaux comme le „Yorkshire Post", qui posent le problème sur un plan international très élevé. Dans son éditorial d'aujourd'hui le grand journal anglais explique pour­quoi l'U. R. S. S. est en état de réa­liser son programme, pendant que l'Allemagne se trouve totalement engagée en Occident. Le troisième Reich a déclaré à plusieurs réprises qu'H n'entreprendra pas une iaction militaire quelconque dans les Balkans où le Führer a l'intention et la volonté de maintenir la paix. Pour ces raisons, il se garde aussi de prendre une ini­tiative quelconque, pouvant amener des complications avec l’U. R. S. S. A tout prix il va acheter la paix sur le front oriental, même au prix d'une avance des Soviets toujours plus ac­centuée vers le centre de l'Europe. De son côté, dit le grand journal anglais, M. Staline profite de cette rare occasion pour attendre sans lut­tes et sans grands sacrifices, les an­ciens buts politiques de son grand empire. En élargissant ses frontières, l'U. R. S. S. ne fait que fortifier, en étendue et en profondeur, sa ligne de défense contre toute éventuelle agression. Le „Yorkshire Post" ajoute cette expansion méthodique de que la Russie se double d'une extraordinaire activité industrielle sur le plan de l'armement. Il ne s'agit plus mainte­nant d'abattre la plus forte citadelle militaire des puissances occidenta­les, la France. Cette besogne est ac­complie par le Reich. Il ne s'agit non plus de mener une guerre contre l'impérialisme capitaliste de la Gran­de Bretagne, qui vient de changer son système économique et politique jusqu'à dépasser même le système soviétique. On croit donc que Russie travaille pour sa propre dé­la fense. I; * • * D'autres journaux considèrent l'ac­tion russe sans aucun étonnement, comme prévue au programme de Molotov. L'opiion publique anglo-sa­xonne a été avertie de cette action russe par le télégramme de Wa­shington qui l'avait annoncée depuis plusieurs jours ouvertement, en en ri^mant même des détails. ^*De source officieuse soviétique, on avait démenti catégoriquement en Amérique les allégations concernant les prétentions de contrôler la vallée de la Prahova et Constantza. Cette nouvelle fantaisiste qui avait créé des surprises et des apprehensions, a été mise au point officiellement. On a démenti en même temps l'exis­tence d'une collision russo-alleman­de par rapport à la Roumanie. On affirme de source bien informée qu’il n'a jamais été question que de la Bessarabie et du Nord de la Bu­­covine et qu'il n'y aura pas d'autres inconvénients de la part des Russes et d'autres prétentions territoriales. Quant à la manoeuvre de la flotte russe dans la Mer Noire, elle n'est guère dirigées contre les pays rive­rains. * • * On dément aussi de source auto­risée les divers rapports concernant un partage de zones d'influence dans les Balkans qui serait intervenu entre ajoute qu'étant donné l'identité l'Allemagne, l'Italie et la Russie. On d'intérêts à venir pour le maintien de la paix dans les Balkans, les bons rapports amicaux réclamés par la Roumanie, avec l'U. R. S. S., sont non seulement possibles, mais certai­nement renforcés des deux côtés. * • • Toute la presse du soir se réfère avec beaucoup de simpathîe à la compréhension roumaine pour sa nouvelle situation douloureuse et explique l'impossibilité dans laquelle se trouvait le pays d'affronter seul l'ouragan. „Daly News" et „Evening Stan­dard" considèrent l'acceptation du deuil roumain comme une preuve de sagesse et la résignation du peuple comme une économie de forces dic­tée par les circonstances internatio­nales pour le maintien de l’équilibre de la paix dans le Sud-Est européen. Le sacrifice de la Roumanie ne saura la priver de la reconnaissance de l'Europe future. COR LES NATIONS NE MEURENT PAS Qui se souvient en­core de Frantz de Champ agny, le vieil historien de l’epoque ■ du bon roi Louis-Phil­­lippe, qui écrivit — diaprés Sué­tone — l’histoire des Césars? Champagny avait sur la philoso­phie de l’histoire des idées ast. sez particulières. Dans sa pré­face par exemple, il explique gra­vement que la grande différence qu’il y a entre 1‘histoire ancienne et l’histoire moderne c’est que les peuples antiques ont pu disparaître tout entiers, mais que les peuples modernes sont immortels, ayant été rachetés par le Christ, tout aussi bien que les individus. De pareilles vues sont évidemment bien au-delà dies stricts horizons de la science positive. C'est ce qui fait leur charme et peut-être leur prix. Champagny écrivait à une époque au le Romantisme autori­sait, appelait même, l’amalgame dans une même pensée des thèmes les plus disparates. Mais cette é­­poque était celle de l'éveil des na­tionalités, „Sparte et Athènes, Rome et Carthage disait le vieil historien, ont disparu, mais qui peut dire que la Pologne soit morte à jamais ?“ Ou l'on voit que l’esprit de prophétie ne lui était pas non plus étranger. Le phénomène national est jeune en Europe; mais l'extension qu'il a prise depuis un siècle dépasse de bien loin tout c,e qu'on pouvait rêver au temps de Champagny. Il est devenu le fondement même de la vie européenne, et il serait peut-être plus exact de dire qu'il en est devenu 1« ferment; mais il en est aussi le régulateur. Depuis la disparition de la vieille Chré­tienté. l’Europe n'ia pas connu d'autre principe ni d'autre base d'existence. C'est un phénomène aussi caractéristique pour le Monde moderne que l’était, pour le Monde hellénique au hellénistique, le ré­gime de la Cité. Et c'est encore, à un certain point de vue. le ré­gime de la Cité antique qu'il per­pétue sous d'autres formes. Les raisons historiques en sont claires: on ne saurait oublier, en effet, que la croissance des nationalités s'est, faite en opposition trés directe aux idée® de République chré­tienne et de Monarchie univer­selle qui avaient dominé les con­ceptions politiques du Moyen-Age et que cette opposition s'est réfé­rée, dès le principe, au souvenir de l'humanisme antique et leçons de vertu civique, d'esprit républi­cain et patriote dont les annales grecques et romaines nous ont laissé les témoignages immortels., Ce; n'est pas un hasard si, à une époque qui nous, le grand n'est pas si loin de historien des ori­gines de la France, Fustel de Cou­langes, a été tout d’abord le pro­fond et sagace historien de la „Cité antique". C'est dans l'étude des institutions primitives de la Grèce et de Rome, fondées au culte des Ancêtres et à la religion des Morts, que le créateur de l’his­toire positive moderne avait puisé ce sens, cette pénétration admira­bles qui ont si magnifiquement é­claire, par une sorte de rejaillis­sement mêmes du du génie, les raisons patriotisme moderne. ,,Qu-est-oe qu'une nation? disait Fustel de Coulanges; c'est le sou­venir des grandes choses faites ensemble et la volonté d'en faire d'autres". Maxime digne des plus grands textes de l'Antiquité! C'est exactement le ton du discours rapporté par Thucydide, que Pé­­riclès prononça, au couchant de sa glorieuse carrière, à l'éloge des soldats athéniens tombés dans la guerre de Tanagra, Périclès célébrait l'immortalité d'Athènes — et pourtant Athè­nes est morte. Politiquement du moins, car spirituellement, elle est toujours vivante aux racines de notre âme. Mais les nations modernes sont encore trop vigou­reuses pour accepter ce genre d'immortalité subjective". Ce qu’el­les se promettent, c'est une im­mortalité solidement objective, une immortalité temporelle qui n’admet aucunement de sa laisser rejeter sur le plan de l'esprit pur. Et le plus remarquable, c'est que l,a réalité des choses leur donne raison. L'impérialisme d'autrefois, celui des Nabuchodonosor, des Cy­rus et des Césars, a pu briser, a­­néantir même des nations. Les im­périalismes modernes, quelles que soient leurs 'ambitions, sont obli­gés de tenir compte, dans leurs calculs, des réalités nationales. Toute l'histoire du siècle der­nier, toute l’histoire de notre siè­cle, montrent qu'une nation peut être subjugué; elle ne peut être détruite. Et peut-être, après tout, qu'avec et toute toute son historiosophie Sa mystique, ce vieux Champagny avait mis le doigt sur uns des lignes les plus fermes de l'histoire du monde. Ces étroites Cités antiques, toutes fondées sur leurs morts et sur leurs dieux, il suffisait que leurs dieux les eus­sent désertées pour qu'elles s’ef­fondrassent sans retour. Et c'est ce que les madrés sénateurs de Rome avaient bien compris, dont le premier soin, était d'emporter, hors des villes conquises, les simu­lacres de êtres divins. Pour les peuples modernes, la nation n'est plus simplement liée à une religion, car il n’y a plus, depuis le Christianisme, de reli­gion nationale. Mais, par un cu­rieux retour des choses, la nation n'en a eu que plus de facilité à devenir elle même, pour elle-même, un religion. Elle a pris à la reli­gion son cérémonial, son rituel, son langage; „Salut, déesse France....“ disait André Chénier, en cette ê­­poque de la. Révolution française qui a vu la fondation de la pre­mière religion civique. Certes, voilà des expressions bien païen­nes. Mais une religion païenne est encore une religion. Sans compter qu'il se trouvera toujours des chrétiens comme Champagny pour baptiser ces resplendissantes. Per­sonnes, casquées et armées de La lance et qui, comme toutes les dé­esses, en effet, sont immortelles. MIRCEA BAICOIANO La lettre émouvante des Transylvains et des Banatiens adressée à S M. le Roi LA JEUNESSE DE L'ARDEA L ET DU BANAT, SINCÈRE "MENT INTÉGRÉE DANS LES CADRES DU PARTI DE LA NATION. COMPREND TOUTE LA SIGNIFICA­TION DE L’ÉPOQUE ACTUELLE ET SE REND COMPTE QUE ACTUELLE MENT LE SALUT DE LA PATRIE EST LA LOI SU---------­PRÉME S. M. le Roi, Chel Suprême du Parti de la Nation, vient de rece­voir de la part d'une groupe nom­breux de Transylvains et de Ba­natiens une émouvante lettre d'a­dhésion et d’engagementf dont voici la teneur ; ., ] Sire, I ! ! „Toute la population roumaine et notamment la jeune génération de l'Ardéal et du Banat a assisté soucieuse aux dernier® événe­ments. Ils nous ont démontré que nous nous trouvons à un carre­four du destin de tous les peu­ples. Notre amour pour Le Trône et pour la nation auquel nous a­­vons voué nos pensées, nos ac­tions et nos aspirations, imposa ds nous demander quelle est la voie à suivre en ces moments som­bres, afin d’assurer l'avenir de la Roumanie. „Votre Majesté, après lia Cons­titution die février 1938, par l'acte historique de la fondation du Parti de la Nation, nous a mon­tré clairement cette voie, en cer­tifiant dans son discours du 22 (Suite page 6) LE MARECHAL BALBO EST MORT Le maréchal Halo Balbo qui est mort hier en combat aérien, se tro u. ds la visite du Duce en Tripolitanie. 'ci à droite de M. Mussolini lors Lire page II Le communiqué du Minis­ tère de l'Intérieur sur la ré­partition de la population évacuée de Bessarabie et du Nord de la Bucovine RACINE EN ITALIE Hors de France, l'oeuvre de Racine n’a été accueillie, dans aucun pays avec une compréhension aussi totale qu’en Italie on dès la fin du 17_ème siècle on trouve des témoignages en sa faveur. Il est digne de remarquer que même ceux qui devinrent les champions de l'honneur national, ne cachèrent jamais leur admiration pour Racine . Le goût de l’Italie du XVin siècle, admira Racine comme étant un des poètes les plus purs et leis plus par­faits, le plaçant sur les cimes de cet Olympe poétique que chaque géné. ration, chaque siècle aime à se for_ mer. Cela se comprend: à des lecteurs qui étaient encore en face de la poé. sie d’Homère et de Dante, qui n'é­taient pas préparés à comprendre! la poésie de Shakespeare, Racine, le dernier grand poète de l'Europe mo_ demie, qui avait fondu si admirable, mentdans son oeuvre artistique des trois siècles l’expérience d’huma­nisme et l’intérêt de son temps pour l'introspection psychologique, paraître (let il l’était en effet) devait un des poètes leis plus grands, et, parmi tous, le plus proche du goût mo. deme. Les exigences qu’il satisfaisait étaient aussi celles des lecteurs ita­liens avec lesquels il avait en com­mun une si grande partie de sa cul­ture. En Italie ainsi qu’en France, Racine est présenté plus d’un juge­ment comme „le poète de la raison“, le poète „parfait“ ou du moins corn, me le plus proche de la perfection. A ses côtés, les autres poètes révé_ liaient leur insuffisance aux yeux de ces critiques: dans les comparaisons qu’en Italie aussi on fit entre Cor. nellle et lui, c’est à lui presque tou­jours que la palme était décernée. La mentalité rationaliste du classi­cisme devait nécessairement conduire 6. de semblables conclusions qui é. talent implicites dans la conception d'une poésie parfaite et exemplaire. Il semble aussi qu'il y ait contraste entre l’admiration déclarée si fré­­quement pour Racine et les critiques si souvient adressées à certaines de ses tragédies, à quelques uns de ces personnages ou à des détails de son théâtre. H ne faut pas oublier ce­pendant que c’était la tendance de la critique du temps, à laquelle on a reproché justement d’être plus dis­posée à mettre en lumière les dé­fauts qu’à relever le caractère posi­tif et original d'une oeuvre d'airt. C’est donc au nom de cette „idée parfaite de la tragédie" que ces cri. tiques dont certains estiment Racine comme le poète le plus proche de la perfection, relèvent en lui les défauts que les tragiques italiens devraient éviter, comme la critique française du temps ils ne cessent de revenir sur ce qui semblait être dans le Théâtre de Racine conforme aux conventions ou aux préjugés de son époque et de son peuple, mais qu’il est impossible de justifier rationnellement, c’est-à_ dire l’emploi des confidents, l'inté­rêt presque exclusif pour la passion de l’amour, les amours épisodiques qui détournaient l’intérêt de l’action principale ,1a transformation des hé,, ros de l'antiquité en courtisans élé­gants et raffinés. C'étaient là des points sur lesquels tous ces critiques étaient d'accord, mais le style ra­­cinien toujours enchanteur et sans reproches ainsi que sa poésie sont lie deux éléments qui charmèrent les lecteurs italiens. i Cette poésie tient une large part dans la culture artistique italienne au XVIH siècle bien que dans le cou­rant de ce siècle on prononce de temps en temps un nom nouveau celui de Shakespeare, qui représente l’aspiration encore incertaine et in. déterminée vers une forme d’art dif. férente de celle qui était admirée. Avec le nouveau siècle en Italie, comme en France, l'admiration pour Racine est grandissante, le goût de (Suite page 2)

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