Nouvelle Revue de Hongrie 56. (1937)

Mars - Une nouvelle bigoraphie de Petőfi par Zsolt Aradi

Une nouvelle biographie de Petőfi Par ZSOLT ARADI I I A GÉNÉRATION littéraire à laquelle Jules Illyés appartient par son âge et par son esprit, présente beaucoup de ressemblance avec celle où il j a pris son héros, Petőfi. Nous avons dit: beaucoup de ressemblance, ce qui exprime déjà que ces deux générations, comme il est naturel, ne se ressem­blent pas en tout. Dans « l’ère des réformes » hongroises d’avant 1848 se ren­contrent également les types intéressants les plus divers et qu’enflammait tous une grande idée: l’amour de l’humanité et de la patrie. Poètes, écrivains, théori­ciens, soldats, ingénieurs que — chose curieuse — ne lient aucune conjuration secrète ni aucune alliance visible, partent de routes différentes pour se rencontrer quand leur moment est venu. La grande ère hongroise des réformes, qu’enthou­siasme surtout l’idéal de la liberté, est remplie de romantisme, de grandes et belles figures, mais aussi de contradictions. C’est de loin seulement, à un siècle de distance, que paraissent combattre pour le même but un Etienne Széchenyi, l’aristocrate conservateur et progressif, qui défendit la dynastie de Habsbourg, un Kossuth, la figure la plus caractéristique de la noblesse hongroise au siècle dernier, un Petőfi, qui ne voulait pas entendre parler de la noblesse et qui, sans être lui-même un pro­létaire, lutta pour l’émancipation des serfs, ou un Damjanics, qui d’officier serbe de l’armée autrichienne devint général hongrois, qui peut-être ne savait pas bien le hongrois, mais qui n’en combattit pas moins dans l’armée nationale hongroise. Autant de contradictions, d’énigmes en apparence insolubles, mais auxquelles le temps a donné la réponse. La liberté était l’astre qui dominait alors au firmament. Quelques-uns des chefs de la noblesse et de la nation réussirent à identifier à la cause de la liberté la cause de la Hongrie et c’est ainsi qu’avec son idéal de liberté l’idée nationale hongroise renaissante attira et retint dans son cercle magique ceux-là même qui n’appartenaient pas à cette nation. « Quand même je ne serais pas né Hongrois, — dit Petőfi, —je me rangerais maintenant aux côtés de ce peuple. » Mais en même temps un autre motif apparaît qui marche de front avec l’idée de liberté: la néces­sité de réformes sociales, et ici Széchenyi s’élève au-dessus du vague tourbillon des idées. Age fébrile, et, nous le voyons, au fond chacun veut une seule et même chose. Les pensées européennes du commencement du siècle se rencontrent avec les pensées, les aspirations propres aux Hongrois, avec les dispositions antihabs­bourgeoises de la noblesse, avec le frémissement qui s’empare des serfs, avec le bel enthousiasme des aristocrates qui ont voyagé en Europe. Les écrivains, eux aussi, sont tous au service de ces idées. La devise est: le peuple. Ils ne savent pas encore eux-mêmes ce qu’ils entendent par là. C’est quelque chose de plus que la noblesse, de plus que la famille royale et la cour, de plus que les classes intellec­tuelles. Mot véritablement magique: le peuple. Sans que leur volonté y soit pour rien, Jules Illyés et sa génération, à laquelle appartient aussi l’auteur de ces lignes, ont avec ce monde d’il y a cent ans une cer­ 225

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