Acta Litteraria Academiae Scientiarum Hungaricae 10. (1968)

1968 / 3-4. szám - Köpeczi Béla: Le particulier et l'universel dans l oeuvre de Mihai Eminescu

ActaLitterarin Academiae Scientiarum Hungaricae, Tomus 10 (3— t), pp. 255 — 264 (1968) Le particulier et l’universel dans l’œuvre de Miluii Eminescu Par Béla Köpeczx (Budapest) Une nation qui parle une langue de diffusion restreinte, peut-elle avoir un poète de renommée mondiale ? La question est d’autant plus justifiée que la poésie est plus étroitement liée à la langue nationale que les autres genres de la littérature. Le langage littéraire tend à réaliser la clarté de la définition conceptuelle, tout comme le langage quotidien, mais il y ajoute un élément spécifique: c’est à l’aide de l’expression sensuelle, concrète, imagée qu’il trans­pose le particulier sur le plan de l’universel.1 On ne peut nullement nier que dans la poésie ces caractéristiques du langage littéraire ont une importance primordiale. Or, les poètes qui se servent des langues de diffusion restreinte ne peuvent pas s’adresser directement, en leur idiome national, à leurs lecteurs étrangers; pour ce faire, ils doivent recourir à la traduction. Il faut reconnaître que la transposition adéquate du discours poétique dans une autre langue cause des difficultés, mais elle n’est pas impossible: la réussite dépend non seulement de la qualité du traducteur, mais aussi de la nature de la poésie à traduire et des conditions de réception. La diffusion de la poésie des petites nations est liée aussi à des facteurs extra-littéraires. Les poètes des grandes nations, tout en étant attachés aux réalités de leur époque, de leur société, de leur civilisation, s’adressent au grand monde, qui les écoute, parce qu’il croit déceler dans leurs œuvres des questions et des réponses d’une importance universelle. Les nations numériquement pe­tites ont rarement l’occasion d’exercer une influence décisive sur le développe­ment historique, et leurs poètes n’éveillent pas, en général, un intérêt spon­tané au-delà de leurs frontières. Ajoutons à cela que tout homme qui s’inté­resse à la poésie anglaise, allemande, française ou italienne, doit connaître les données historiquement concrètes auxquelles font allusion les poètes de ces nations. Les circonstances particulières de l’histoire des petites nations, qui se reflètent dans les œuvres littéraires, ne facilitent donc pas la diffusion de leur poésie. Malgré tous ces écueils, la réception universelle d’une telle poésie n’est pas exclue: l’écho trouvé par l’œuvre de Mihai Eminescu au-delà des frontières roumaines en fournit une preuve incontestable. Acta Litteraria Academiae Scientiarum Hungaricae 10y l'JGH

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