Le Moment, Mai 1939 (Année 7, no. 1258-1272)

1939-05-11 / no. 1258

jßüOAREST 7-me ANNÉE No. 1258 BUCAREST 15, RUE B R E Z O I A N II Rédaction, Administration TéL S. 10.40 Direction : Téléphone 4.25.34 Imprimerie et Ateliers de Photogravure „Le Moment" postais aeijnltW. en espSees wenform/n l'ordre Ko» 24,497|d30 de I« Direction Générale P* T« X« __" ,Le Moment Journal de Bucarest QUOTIDIEN ILLUSTRÉ D'INFORMATIONS POLITIQUES, ÉCONOMIQUES ET SOCIALES 14 PAGES 3 LEI A. 2. rue Arist. Demetriade, Tél. 5.19.91 DIRECTEUR; ALFRED HEFTER Propriétaire; Le Moment S. A. Inscrit an registre de publications du ÎTrib. d'ilfov, tous le No. 243/1938 10 MAI 1939 se. Le dix mai est no­tre fête nationale, or­­née d’une triple cou­­ronne de souvenirs his­toriques, chers à tous les coeurs roumains. Il suffit donc de simplement prononcer „dix mai” pour que dans toutes les âmes, enfantines et viriles, juvé­niles et déjà vieilles, de Roumanie, se trouvent évoqués: la plus belle journée de printemps avec revue militaire le matin, des rues pleines d’un monde endimanché et joyeux, à midi; des fêtes champêtres et musique militaire vers le coucher du soleil et retraite aux flam­beaux, édifices illuminés, prome­nades allègres — le soir. Pourtant c’est avec intention que nous avons voulu définir et préciser par un attribut numéral que le dix mai de cette année 1939 ne ressemblera pas aux précédents. Il sera, cette fois, plus fastueux que les autres. A sa signification historique, sera ajoutée une signi­fication politique et morale. D’ail­leurs, voyez! les fêtes ont com­mencé dès le 8, ont continué hier et revêtiront aujourd’hui leur apo­théose. Pourquoi! On est habitué a voir une date historique, rappelée à la mémoire d’un peuple après un cycle rond d’année: un centenaire, un cin­quantenaire, une décade, un lus­tre, etc. Ce n’est pas le cas pour ce „dix mai”. Aucun des trois évé­nements inscrits sur la feuille du calendrier, à cette date, n’a touché à un nombre d’années qui appelle nécessairement un surplus de so­lennités abasourdissant. Par exemple: de la date de l’en­trée à Bucarest du fondateur de la Dynastie, il y aura aujourd’hui 73 ans. Donc, pas encore les noces de diamant. De la date de la proclamation de notre indépendance, il y aura 61 ans. La soixantaine a donc été déjà dépassée. Enfin de la date du couronne­ment du premier Roi du Royaume et de la proclamation de ce Ro­yaume, il y aura 58 ans. Age qui vaut bien une messe, mais— selon les uns — pas la messe haute. Alors pourquoi cette abatée de la ligne protocolaire? C’est que depuis des années le peuple n’a aussi intensément senti la profonde signification morale et politique du 10 mai, comme il sent cette année. Et c’est parfaite­ment explicable. On redouble de vigilance quand il y a courant d’air et on n’entoure jamais de plus de soins des choses précieuses qu’aux instants où leur prix est avec évidence mis en vedette. * * * Le 10 mai, est célébrée la fon­dation de la Dynastie. Cette Dy­nastie qui a réussi à faire du peu­ple roumain, une communauté plei­ne de cohésion et pourvue d’une admirable conscience nationale, cette Dynastie qui a fait du pays, une Roumanie une et indivisible, est le symbole de notre unité na­tionale, de notre force et de la pé­rennité de notre nation. En célébrant le dix mai, on fête la Dynastie. En fêtant la Dynas­tie, on réaffirme la volonté iné­branlable de la nation de la tenir en honneur, de l’entourer de gloire et de la suivre dans la marche as­cendante du prestige et de la gran­deur. C’est le moment aujourd’hui de claironner derechef cette volonté qui se confond avec l’infaillible in­stinct de conservation nationale. * * * Le 10 mai, on célèbre également notre indépendance. Il convient de notifier au monde européen — de nos jours plus que jamais — que nous en connaissons toute la valeur et que, partant, nous savons bien qu’elle n’a d’é­quivalent dans aucun des autres biens de la terre. Il y a dix jours, le professeur Iorga disait dans une allocution diffusée par nos postes de radio: „Si notre indépendance avait été „acquise par des marchandages „habiles avec les uns ou les au­­„tres, exploitant les mésententes „entre eux, pour en tirer profit; ,si notre indépendance avait été „un acte de pitié, piteux, mais „qu’on peut toujours faire à l’a­­„dresse d’une nation ; si nous ne l’a­vions pas payée de notre sang, du „sang de plusieurs milliers de gre­nadiers qui sont tombés dans la „boue aux alentours de Plevna, „l’indépendance aurait eu pour nous un prix relatif.” „Mais notre indépendance a son „grand prix dam les conditions de „lutte ferme que le sens de dignité „et de fierté de Carol I-er a choi­sies. Elle a un prix d’autant plus „grand, qu’elle a été gagnée non „seulement contre la résistance des „Turcs de 1877, mais elle a été en „même temps payée de la terre „bessarabienne qui nous a été ravie „par notre grande alliée russe”. On comprend donc combien cet­te indépendance nous est chère, combien elle a pour nous un prix absolu et combien nous tenons à le faire aussi savoir au delà de nos frontières. Puisque les temps actuels le re­quirent, voilà pourquoi nous nous saisissons de cette fête nationale de „dix mai” pour le faire dire dans le langage imagé d’une splen­dide revue militaire, de réjouis­sances populaires et de la partici­pation aux solennités de toutes les classes sociales et de tous les grou­pements roumains. (Suite page 7J S. M. le Roi a prononcé hier le discours ci-dessous à l’inaugura­tion de la statue du Roi Carol 1, érigée Place du Palais Royal : „Ce bronze érigé en plein coeur de la Capitale, signe évident de la reconnaissance de tout un peuple pour ce Grand Souverain, qui a mis le fondement inébranlable de la Roumanie moderne, doit être pour tout Roumain le symbole éternel de la piété vouée au passé et de parfaite confiance en l’avenir. „C’est de l’endroit où le Danube prend sa source, que dans une heu­reuse pensée le peuple roumain, a appelé Carol I-er pour venir régner ici, aux bouches du même fleuve, afin de forger un brillant avenir. „Dès le moment où le premier Roi de Roumanie a foulé le sol sa­cré de Sa nouvelle patrie, E est de­venu corps et âme le plus parfait et le plus fidèle de ses citoyens. „En prêtant serment, E a dit que dès cette heure il devenait roumain, ces paroles ne furent pas une for­mule protocolaire, mais une pro­messe sacrée qu’un atavisme sécu­laire le déterminait de ne jamais renier, fût-ce au prix de la vie. luette obligation qu’E a assu­mée en ce jour de mai 1866, il l’a élevée dans son âme et sa consci­ence au rang de vertu. „A chaque instant la conscience en éveil et animé d’un haut esprit de devoir, vertus de sa famille, — ce sont elles qui l’ont guidé de ma­nière qu’il soit devenu pour son peuple un exemple tacite, mais é­­ternellement présent. „E eut un but: Faire de la Rou­manie un pays indépendant et res­pecté; sans hésitation il l’a pour­suivi, ce but, et il a réussi. „Dans une lutte pas à pas, tri­omphant des animosités du dedans et du dehors, avec un sens poli­tique incomparable, E a acquis à son pays tout ce qu’E avait décidé d’accomplir dés l’instant même où le plébiscite l’avait désigné pour ce poste de haute responsabilité. (Suite page 3) Devant la statue du Roi Carol l-er S-M.leRoiCarolll évoque la figure du fonda­teur du Royaume ,,Nous n'avons aujour­d'hui d'autres aspira­tions que de sauvegar­der et consolider ce qui est nôtre. La Roumanie est fer­mement pacifique. Elle veut parfaire en toute quiétude l'oeuvre de consolidation. Mais elle est tout aussi déci­dée à sauvegarder son intégrité et son indé­pendance". Lire page 11 : LA RÉUNION DU CONSEIL SUPÉRIEUR NATIO­NAL DU F. R. N. UN GRAND DISCOURS DU PRÉSIDENT DU CONSEIL. LA NOUVELLE LOI ÉLECTORALE, La fête nationale du 10 Mai qui est celle de foutes nos victoires du siècle dernier est également la fête de la Dynastie et de l'Armée roumaine. Vive le Roi ! Vive l'Armée l JEUDI 11 MAI Lire pages 5, 7 et 14 i Des articles envoyés au „Moment" par MM. : PIERRE - ETIENNE FLAM­­DIN, A. DUFF-COOPER, WICKHAM STEED, VIRGINIO GAYDÂ. FRANÇOIS DE TES SAN. Souvenirs littéraires de Mr. René de Week M. René de Week, ministre de Suisse en Roumanie, vient de fai­re paraître à la librairie du Mer­cure de France, un volume intitulé „Souvenirs littéraires”, qui mérite non seulement d’être lu, mais mé­dité. M. de Week appartient à cette race d’écrivains chez qui le spec­tacle de la vie extérieure semble offrir avant tout un thème de ré­flexions. La sensation se présente rarement chez lui à l’état d’image pure. Il ne recherche pas cette ob­jectivité pour ainsi dire amorphe, à reflet de miroir, qui distingue tant de nos écrivains contempo­rains. Chez lui, l’image-souvenir reste fortement imprégnée de la conscience où elle est demeurée en­close. C’est pourquoi il nous inté­resse et nous retient. M. de Week est un écrivain de la Suisse romande. S’il a vécu sous d’autres lois que les nôtres, et s’il entend vibrer au fond de sa con­science l’écho d’autres traditions, il relève, comme il l’a remarqué lui-même, de la même culture. La Suisse romande a laissé dans l’his­toire littéraire de la France de nombreux souvenirs. De Rousseau à Edouard Rod, elle nous rappel­le les noms glorieux de Germaine de Staël, de Benjamin-Constant, de Frédéric-Amiel, de Victor Cherbu­­liez. Pareil à ses grands devan­ciers, M. René de Week fait hon­neur à ses deux patries. Il nous aide à comprendre que la France •- -mire chose qu’une expression, géographique. N’est-elle pas d’a­bord une atmosphère morale, et comme un climat spirituel? Obser­vation qu’il nous a été donné de faire assez souvent, ici, à Buca­rest. On peut avoir l’esprit fran­çais tout en étant né à l’étranger, sans avoir jamais visité notre pays. Etre français, c’est avoir un cer­tain point de vue sur l’univers, une certaine manière d’interpréter le problème de la destinée et des cho­ses. M. de Week, en second lieu, est passé maître dans l’art de ratta­cher ses souvenirs au mouvement d’ensemble dans lequel ils s’inscri­vent. C’est ainsi qu’il nous donne du Paris d’avant guerre, du Paris da 1900 à 1914, une image qui susci­tera au fond de bien des âmes pa­risiennes une sorte de délicate nos­talgie. Elles lui seront reconnais­santes d’avoir réveillé en elles, a­­vec tant de fine et intelligente compréhension, jusqu’à l’odeur da la capitale. Les personnalités littéraires dont M. de Week retrace ici la physio­nomie sont admirables de justesse et d’observation : Paul Mayer, E- lie Berger, le profil de Fallières et le coup d’oeil de Clemenceau aux funérailles d’Emûe Zola, tout cela évoqué de main de naît: j, LÉON THÉ VENIN (Suite page 8}

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