Le Moment, Aout 1939 (Année 7, no. 1324-1349)

1939-08-02 / no. 1324

O _ ^ BUCAREST 7-me ANNÉE No. 1324 t„, pos(a,. “ Tordre No '.4.4S71!;39 del» Direction Genetale F. T» T* " ÏÜÜD 'RECTEUR: ALFRED HEFTER Propriétaire: Le Moment S. A. inscrit au registre de publications do Trib. d’IIfov. sous I, No. 243/1938Le Moment Journal de Bucarest QUOTIDIEN ILLUSTRÉ D’INFOR MATIONS POLITIQUES, ÉCONOMIQUES ET SOCIALES BUCAREST 15. RUE BRE20IANU B ^ “aetion. Administration TéL 3.10-40 f^0OCJbif^pn.. Téléphone 4.25.34 Imprimerie et Ateliers de Thotograrore P mJfâÙCïji "„Le Moment" 2, rue Arist Demetrtade. Tél 5.19.91 4 PAGES 3 LEI DANTZIG Londres, juillet 1939 Quand à l’issue de la grande guerre les auteurs des traités de paix avaient à déterminer la fron­tière polono-alilemande, ils se trou­vèrent devant un problème qui a déifié les siècles. Depuis l’époque la plus ancienne de l’histoire Sla­ves et Teutons s’y sont fixés et se sont hattus pour les marchés de l’Est. Tantôt les uns et tantôt les autres voulaient imposer leur volonté, mais n’importe quoi que le plus faible eût pu souffrir, il ne se soumettait jamais. La lutte continuait. Depuis les temps de l’Ordre des Chevaliers Teutoniques au quator­zième siècle, jusqu’à la prussiani­­sation vigoureusement poursuivie par Bit mark au 19-àme siècle. l'Allemagne a lutté pour imposer ses lois dans ces territoires dispu­tés, dont une partie forme aujour­d’hui la province Pomoroze de Po­logne. Ces efforts duraient jusqu’à la Grande Guerre: mais ils ne fu­rent jamais pleinement couronnés de succès. En dépit de la division, en dépit de la prussiani-iation et peut-être môme à cam e de cela, la force de l’esprit national polonais n’a jamais diminué. Aujourd’hui il est plus vif que jamais. Le treizième point Ces longues années de conflits ont inévitablement laissé une hos­tilité raciale profonde. Cette mé­fiance est la clef de tant d’événe­ments dans l’Est de l’Europe, évé­nements qui ne sauraient être compris autrement. II y à 20 ans, la Conférence de la Paix, mise de­vant un tel passé historique, avait une directive importante pour se guider. Le treizième, des quatorze points du président Wilson dit : „On créera un Etat polonais, independent qui comprendra des territoires habités indiscu­tablement par des Polonais, E- tat qui aura accès libre et sûr Nous nous trouvons de­vant un problème straté­gique. Les conditions du problème sont immuables. La Pologne doit assurer son „accès libre et sûr" à la mer. Si Danzig, est un jour incorporé au Reich, la Pologne ne peut plus a- Jr accès à la mer. Là dessus il ne peut y avoir de compromis. Depuis les conclusions de la commis­sion spéciale de 1919 beaucoup a été concédé; à présent il ne reste plus rien à donner. à la mer et dont l’indépendance économique et politique, et l’in­tégrité territoriale seront ga­ranties par un accord interna­tional”. Comme l’Allemagne a accepté cas 14 points, comme base de paix et comme tous les gouvernements allemands qui se sont succédé les ont invoqués, et les invoquent en­core aujourd’hui, il ne peut y a­­voir de désaccord là dessus. Le „Corridor" Polonais A ce propos ü est important de distinguer entre deux problèmes que l’on associe souvent — à tort — 1» problème du corridor polo­nais et celui de la Ville Libre de Danzig. Lorsque la conférence de Paix, voulut rendre efficace le treizième point, elle ne décida pas en fait d’accorder à la Pologne tous les territoires que celle-ci réclama à l’Ouest, en vertu du principe de la ! population. Le gouvernement alle­mand protesta et obtint quelques concessions; la frontière finale fut le fruit d’une étude laborieuse et patiente. Le „corridor” est et a toujours été polonais comme population; et pendant des siècles il le fut aussi politiquement. Les statistiques al­lemandes de 1910 indiquaient claire­ment une majorité polonaise dans les territoires cédés plus tard à la Pologne en Pruse Orientale et en Poznanie. Et. si donc, l’autodéter­mination a un sens, alors le soi­­disant „Corridor” est polonais. Son annexion au territoire polo­nais n’est pas due seulement à des raisons économiques et il ne fait d’aucune manière partie du problè­me de Danzig. Cela doit être ex­pliqué clairement, parceque ces deux problèmes n’en sont officiel­lement qu’un dans les demandes allemandes et probablement ils l’ont toujours été dans la pensée des Allemands. La vérité est que la Prusse O- rientale forme un îlot allemand dans une mer slave. S’il faut donc choisir entre la solution de laisser la Prusse Orientale rester île et celle de priver 35 millions de Polonais de leur accès à la Mer Baltique, ce dont dépend leur vie nationale, aucune Cour de Justice ne pourrait hésiter un seul in­stant.. Toute l’histoire nous mon­tre que la Pologne ne peut pas vivre sans accès à la mer. Le Pré­sident Wilson fit de cet „accès li­bre et siûr” une condition de paix que l’Allemagne a acceptée. Cette condition ne peut pas être déniée maintenant sans nier au peuple polonais le droit à la vie. Le compromis danzieois Devat le problème d’assurer cet „accô* libre et sûr” de là Pologne à la mer, la Conférence de Paris ANTHONY EDEN Ancien ministre les Affaires Etrangères de Grande Bretagne (Suite page 3) De Londres aTokio Ä U semble que des difficultés sérieuses ont surgi au cours des dernières négocia­tions, poursuivies à Tokio, entre représentants de la Grande Bretagne et du Japon à propos de ce qui constitue le fond du problème à résoudre: le régle­ment de l’affaire de Tien-Tsin. De source allemande et japonai­se on affirme que la cause des difficultés réside dans le fait qu’­entre temps les Etats Unis ont dénoncé le traité de commerce a­­vec le Japon et que cela a rendu la Grande Bretagne intransi­geante. C’est inexact. Nous avons dit dès la première heure que la Gran­de Bretagne s’est réservé le droit, dans l’accord préliminaire qu’elle a signé, de ne rien faire qui puisse être interprété comme un change­ment de sa politique extérieure. Or, le Japon s’imaginait, qu’en transigeant sur les principes et en cédant sur une question géné­rale, il pourra plus facilement ob­tenir gain de cause sur les points pratiques. Nonobstant donc la déclaration préliminaire, le Japon a demandé l’interdiction de la circulation du dolar chinois à l’intérieur de la concession britannique de Tien- Tsin. Il a demandé qu’on lui re­mette le stock métal dont dispo­sent les banques chinoises de la concession et en général a mis en avant toute une série de questions économiques, tandis que la Grande Bretagne a exigé que le Japon précise d’abord comment elle, en­tend garantir l’ordre et la paix dans la concession de Tien-Tsin. En apparence la question sem­ble facile à résoudre, car il suffi­rait d’intervertir l’ordre du jour pour arriver à un arangement. Au fond la question n’est pas si simple, La Grande Bretagne déclarant formellement qu’elle ne veut pas s’éloigner de la politique, qu’elle a adoptée à l’égard de la Chine, a implicitement confirmé son attitude de jusque maintenant. Il convient de rapeller à ce sujet, que le 28 janvier 1937, l’assem­blée de la S. D. N. justement, sur la position de la Grande Bretag­ne, a décidé de donner son appui moral à la Chine et a, en consé­quence, recommandé aux Etats membres de s’abstenir de toute action de nature à affaiblir le pouvoir de résistance de ce pays. D’autre part, comme signataire du traité des neuf puissances, au­quel la Grande Bretagne entend rester fidèle, la Grande Bretagne ne saurait, s’engager à des obli­gations qui, d’une part, menace­raient les finances chinoises et qui, d’autre part, violeraient les motions votées par la S. D. N. Voilà pourquoi nous disions plus haut que ce n’est pas la dé­nonciation du traité de commerce américano-nippon qui a influencé en mal les. négociations anglo­­japonaises, mais seulement le fait que la Japon s’est mépris sur les véritables intentions de l’Empire britannique. „Quand il s’agit d’intê- V®/ rêts commerciaux, qui en Extrême Orient plus qu’­en Europe dominent et commandent la politique extérieu­re, les Anglais ne cèdent pas. Et c’est pourtant là le point qui intéresse avant tout les Japonais, Ce qu’ils ont cherché, à l’ombre des incidents de Tien-Tsin, c’était d’empêcher les Anglais à soutenir la monnaie chinoise et à donner ainsi au maréchal Tichang-Kai* Tchek la possibilité d’assurer le financement de la guerre qu’on mène contre le Japon. Ce sont les termes employés par „Le Petit Journal” pour expliquer le pro­­lème anglo-japonais. Le journal termine ainsi: „C’est là le point essentiel des négocia­tions entre MM. Arita et Craigie. H est intéressant de voir qui rem­portera la victoire dans cette question. De la solution qu’on don­nera à ce problème dépend qui gagnera la partie en Extrême Orient. Les Anglais ont assez bien commencé pour que tout le mon­de leur fasse confiance”. „Daily Telegraph” écrit que M. Chamberlain ré­pétera aujourd’hui nette­ment, au sujet des con­versations de Tokio, que la Gran­de-Bretagne n’est pas disposée à modifier sa politique extérieure sur l’ordre d’une puissance étran­gère. Bien plus, la Grande-Breta­gne ne se départira pas d’une po­litique qu’elle a elle-même inaugu­rée. M. Chamberlain dissipera de nombreux doutes et de nombreu­ses interprétations erronées pro­voquées par la formule anglo­­japonaise de Tokio. La Grande- Bretagne s’en tiendra loyalement à cette formule dans la mesure dans laquelle elle représente un exposé des circonstances dont il faut tenir compte en Chine du Nord, pendant cette période si pleine de difficultés, et qui est probablement provisoire. Si les dirigeants japonais font preuve de la même loyauté, on pourrait trouver une base pour un „mo­dus vivendi”. Il semble pourtant que le gouvernement japonais a une opinion tout à fait différente sous ce rapport. Le 31 juillet 1939 Que faut-il pour faire une guerre? De la volonté. Et pour la déclencher? De l’audace. Mais pour la gagner? Des hommes, des armes, de l’ar­gent, de V acier, du pétrole et du blé, et quelque chose de plus. * * * Si une guerre venait à éclater en Europe, demain, dans dix jours, ou dans un mois, on aurait, d’une part, les, choses en restant là où elles en sont aujourd’hui: la Fran­ce, l’Angleterre, rU.R.S.S., la Pologne et la Turquie, et, d’autre part, l’Allemagne, Tltalie, la Hon­grie et disons même: l’Espagne et la Bulgarie. Que représentent les deux grou­pes comme hommes, d’abord? Grosso modo: 478 millions d’hommes du premier côté et 190 millions, de l’autre. Et comme pétrole? Le bloc angh-fr: nco-rus^e dis­pose comme production annuelle de 32 millions de tonnes métré ques de pétrole brut, tandis que le bloc italo-allemand dispose seu­lement de 817.000 tonne.> métri­ques. Pour ce qui est de Vessen:?, le premier bloc compte avec une pro­duction annuelle de près de 12 millions de tonnes, tar.dh que le second ne dispose que de 2 millions de tonnes. La même disproportion quant aux huiles lourdes et aux huiles de graissage. Minerai de fer? Plus de 30 mil­lions de tonnes annuellement, du côté Grande Bretagne; 7 millions, du côte Allemagne. De la fonte? 31 millions de ton­nes à la disposition du premier bloc; 24 millions à la disposition du second. Pour ce qui est de Vacier, les deux groupes en présence, peuvent respectivement retirer en un an 37 millions et 28 millions de tonnes. Si l’on fait la comparaison en ce oui concerne les minerais de. plomb, de zinc, d’étain, de nickel, on trouve toujours dans le pre­mier camp une supériorité évi­dente. Mais, pour l’éventualité d’une guerre, c’est surtout l’or, les ré­serves d’or qui comptent, car la production s’arrête, et il faut a­­cheter de l’extérieur, or comptant, si nous pouvons nous exprimer ainsi. Les réserves d’or d’Allemagne se chiffraient à fa fin de l’année 1938 à 71 millions, tandis que celles de la France, à la même époque, étalent de 87.000 millions. Celles de l’Italie à 3.674 millions et celles du Royaume Uni à 326.000 millions. Devant ce tableau comparatif, on aboutirait facilement, même trop facilement à la conclusion que la guerre est impossible. Non, il n’y aura pas de guette. Et pourtant, on croit à la guer­re. On y croit, parce qu’on ne s’est pas complètement débarrassé de cette image biblique de l’her­culéen Samson qui, bien que privé de sa merveilleuse chevelure, et tout en sachant qu'il a devant lui, comme adversaire, une immense masse de Philistins, accepte combat, non pas pour ce qu’il pou­le vait encore espérer que cela lui rapportât la victoire, mais pour ce que les Allemands appellent la Schadenfreude”. Voilà pourquoi l’éloquence des chiffres ne devrait pas faire om­brage à l’éloquence des laits, et la logique ne devrait pas conduire à une trêve de la vigilance. INTÉRIM C'est à cet endroit qu’ont commencé hier des fouilles archéologiques destinées à mettre au jour les vestiges de l’antique civi isation r» naine, vestiges qui pi ûu.eipntla continu:!' le l’élément romain et ensuite roumain, dans la partie sud du Quadrilatère. MERCREDI 2 AOUT 1939 Que vous partiez POUR LA MONTAGNE POUR LA MER pour toute autre villégiature, n'oubliez voua abonner au1 JOURNAL Le Moment qui voua met au courant des événements du monde entier. IBORREMERTS POUR U S1IS0R 70 LEI PAR MOIS K, ou f ville; r de «9 LES FEMMES EN ROUMANIE Nous donnons ci-dessou* un extrait du volume qui paraîtra à la En du mois, à Londres, sous le titre ,,Rou­­mania under King Carol”, extrait qui a été envoyé en exclusivité au journal „Le Moment", par son auteur, M. Hector Bolitho. C’est en Mars 1866, que l’on a offert la couronne de Roumanie, au Prince Carol de Hohenzollern Sigmaringen. Il est intéressant à faire remarquer que pendant les premiers 70 années que cette dy­nastie a régné en Roumanie, ce fut grâce aux Reines, Leurs Au­gustes Epouses, que les Rois a­­vaient répandu le prestige de Leur pays à l’étranger. Sa Majesté le Roi Carol II est le premier qui soit l’auteur de Sa renommée en Amérique et parmi les puissances occidentales. Le caractère du premier Roi é­­tait grave mais modesty. Ce fut par Sa femme, la Reine Elisabeth, que la beauté et le charme de la Roumanie furent connus au delà des Carpathes. Ecrivant sous le nom de Carmen Sylva( elle narra les contes de fée et les légendes de son pays. Pendant la guerre de 1877—78, son héroïsme, en fit presque une sainte aux yeux des Roumains. Son ombre hante e. core les appartements somptueux de Sinaia, et c’est d’EIle que vous parle le guide qui vous ouvre porte après porte, en vous con­duisant d’un caprice architectural à un autre. La même chose vaut pour 1» compagne du ' Roi Ferdinand. Qu* and il épousa en janvier 1893, la Princesse Marie d’Edimbourg) niè­ce de la Reine Victoria, une autre période commença, période pen­dant laquelle ce fut la Reine qui força le monde d’admirer la Rou­manie. C’est encore une fois qu’­une femme devint la figure hé­roïque de la paix et de la guerre. C’est de la Reine Marie, que le guide vous parle lorsque vous parcourez les chambres vides du palais de Cotroceni: toutes sont parées à son goût: grands para­vents bysantins, des chaises d’un modèle unique en or, et des or­gies de couleurs. La Roumanie semble trouver un é­­lan spécial de patriotisme dans ses femmes. Quand j’ai visité pour la premières fois la Roumanie, ce fut grâce à la Reine Marie que j’ai compris l’esprit du pays. Person­ne ne pouvait voir son courage et sa riche beauté sans exaucer Ses désirs et Lui obéir aveuglement. A présent quand je me rends à Bucarest, je me promène à tra­vers les chambres vides de Cotro­ceni, où les menus objets dont se servait la Reine Marie sont encore sur les tables: crayons aiguisés dans un vase et le feu prêt à être allumé, comme si la file des cham­bres attendait le moment où elle es traversera de nouveau. Mais ce sont des chambres d’où une gran­de et belle femme est partie, pour toujours, et elles ne connaîtront plus jamais une femme de son genre. En février 1938, lorsque je me trouvais à Bucarest, chaque Di­manche je me dirigais vers un parc ouvert Le palais est une bâtisse blanche, sis sur le somét d’une colline. Un jardin, cultivé et aimé par la Reine Marie s’étend sur la pente. Mais la. neige ayant tombé pendant la nuit ce furent seulement les rosiers nus et les squelettes des arbres qui vous rap­pellent le grand jardin d’été, qu­and les iris forment des torrents de bleu, qui descendent vers la guérite où se trouve la sentinelle. Les dimanches de février Co­troceni était déjà lourde du silen­ce de la mort qui approchait. HECTOR BOLITHO (Suite page 2J

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